Linauguration à LHôpital-sur-Rhins<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Les contes des Bords du Rhins<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
« M. le Député, M. le Maire, Mesdames, Messieurs ». Sur lestrade dressée place de la gare, le préfet du département, représentant le Premier Ministre, empêché, inaugurait, ce jour-là lHôtel de Ville flambant neuf de lHôpital-sur-Rhins. « Laffaire » car sen était une, avait commencé deux années auparavant lorsquun mouvement séparatiste sétait constituait pour secouer le joug de Saint-Cyr-de-Favières que daucuns nhésitaient pas à comparer à celui dune puissance coloniale. Partie dun simple canular monté par trois gais lurons : José, de Chavalon, Antoine, du Bourg, et Philippe que lon était aller mobiliser à la Côte Maréchal.
Lhistoire avait prit corps et, en quelques mois, il avait fallu faire face à un nombre inattendu dadhérents et mettre sur pied un véritable programme daction. Lorsque la municipalité en titre eut vent de lentreprise, son premier réflexe fut den rire : jamais de lavis même des anciens, ne sétait manifestée la moindre tentative de sécession et les élus de lHôpital siégeaient toujours au Conseil en parfaite harmonie avec leurs homologues de Saint-Cyr. Bien sûr, et cétait de bonne guerre, les uns et les autres défendaient avec conviction ce quils considéraient comme leurs droits et le ton des discussions atteignait parfois la côte dalerte mais tout rentrait rapidement dans lordre et les réunions se terminaient généralement au mieux des intérêts de la commune et le plus souvent au café de « Chante Alouette ».
<o:p> </o:p>
Quand il savéra que la question était plus sérieuse quil navait paru tout dabord, des camps se formèrent et chacun sefforça de contrôler ses troupes et de trouver des arguments pour défendre sa cause. Pour lHôpital le problème était simple : agglomération en voie dexpansion, sise à la fois sur la Nationale 7 et sur la ligne Lyon-Nantes, elle se considérait désormais comme majeure et rejetait toute espèce de tutelle. Pour Saint-Cyr il y avait le poids de la tradition, le désir de conserver cette « ouverture » sur les grands axes de circulation et le droit à la reconnaissance pour tous les sacrifices, consentis jusquà ce jour au bénéfice de la fraction rebelle. De conciliabules en réunions conciliatoires, on en vint à la rupture totale et il fallu faire appel aux instances supérieures pour essayer de trouver une issue à la crise. La Sous-Préfecture de Roanne fut rapidement débordée et mise hors détat de se prononcer dans un sens ou dans lautre. A Saint-Etienne le Roannais bref, on pria les plaideurs den référer au Ministère compétent.
<o:p> </o:p>
Vue de Paris, la querelle entre Saint-Cyr-de-Favières et lHôpital-sur-Rhins tenait tout au plus du folklore et lon évoquait « Clochemerle ». Mais, comme à la belle saison les parisiens adorent la campagne, on décida denvoyer sur place une commission ad hoc et dattendre son rapport avant de statuer définitivement sur la question.
<o:p> </o:p>
Et cest ainsi quun matin de juin, sur le coup de midi, quatre parlementaires, représentant les quatre grands partis nationaux, se retrouvèrent chez « Troisgros » pour se familiariser avec la « cuisine » locale au sens très large du terme. Comme il fallait sy attendre, on était, certes, beaucoup plus gai au dessert quon ne létait à lapéritif, mais on nen était pas plus avancé pour autant. Dans leuphorie du dernier quart dheure, lorsque lon eut porté de multiples toasts à la paix universelle, on parla dabondance de subventions et lon en resta là.
<o:p> </o:p>
Entre temps, les « Hospitaliers » nétaient pas demeurés inactifs et les travaux dapproche en vue de la construction de lHôtel de Ville avaient été menés rondement : si bien que tout fut prêt pour recevoir les crédits annoncés lorsque ces derniers, par des chemins tortueux, parvinrent sur le bureau de M. le Maire de Saint-Cyr
<o:p> </o:p>
Il fallu donc se réunir rapidement entre adversaires pour partager le « gâteau » et par la même occasion trouvé une issue valable à un conflit qui navait que trop duré. Après maints tiraillements et après avoir consulté les populations intéressées par sondage, il fut décidé que Saint-Cyr-de-Favières conservait la maîtrise de la commune mais que dorénavant le Conseil Municipal et les services siègeraient au nouveau Hôtel de Ville édifié à lHôpital-sur-Rhins.
<o:p> </o:p>
Ainsi fut fait ; et cest pourquoi en ce jour de réconciliation générale, M. le Préfet du département de la Loire, représentant M. le Premier Ministre empêché, développait dans lindifférence intellectuelle générale qui préside ce genre de manifestation, des thèmes dune grande élévation de pensée. A la tribune dhonneur, quelques têtes chenues oscillaient davant en arrière sous leffet conjugué dune chaleur estivale émolliente et dune allocution officielle qui ne létait pas moins. Dans la foule particulièrement dense du côté de la buvette, entre les majorettes de Balbigny et la fanfare de Saint-Just-en Chevalet
<o:p> </o:p>
Nos trois lurons à lorigine du canular, souriaient. Avaient-ils vraiment désiré tout cela ? Cest peu probable ; mais quimporte, après tout, puisque par leur initiative, aussi discutable fût-elle, lHôpital-sur-Rhins se voyait doté dun magnifique monument qui venait enrichir, fort opportunément et par voie de conséquence, un patrimoine national que le reste du monde nous envie.
<o:p> </o:p>
<o:p> </o:p>
Léo MIQUEL (1982)