ROANNE ET LA VARIATION SECULAIRE DES SAISONS<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Article tiré de la revue « <st1:PersonName productid="La Nature" w:st="on">La Nature</st1:PersonName> », année 1887, signé (F.ZURCHER)<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Tout le monde a été frappé en France du caractère météorologique particulièrement mauvais du mois de mai de cette année. Plus que jamais il a contredit son proverbial renon de beauté. Par la fréquence du froid et de la pluie, il ressemblait assurément plutôt à un mois de mars. Depuis longtemps déjà on observait ces perturbations dans nos printemps, mais elles se sont prononcées au plus haut degré pendant celui que nous venons de traverser.
<o:p> </o:p>
La constatation de la généralité de ce fait nimpliquerait rien de moins quun lent, mais très sérieux changement dans le sens de la détérioration de notre climat en France, et même dans celui de lEurope occidentale. Cest une question qui a été traitée il y a une trentaine dannées par notre illustre philosophe, Jean Reynaud, dont la mort prématurée a été un grand deuil pour <st1:PersonName productid="la France. Il" w:st="on"><st1:PersonName productid="la France." w:st="on">la France.</st1:PersonName> Il</st1:PersonName> a donné sa solution dans un des Eclaircissements sur la théorie de <st1:PersonName productid="la Terre" w:st="on">la Terre</st1:PersonName> dont il a fait suivre son magnifique ouvrage de Terre et Ciel, et nous lavons signalée alors dans lAmi des sciences auquel nous collaborions, ainsi que dans nos Phénomènes de latmosphère.
<o:p> </o:p>
La théorie dont nous parlons repose sur lexistence, à la surface des planètes, de deux ordres de saisons dépendant, lun, qui est bien connu, de linclinaison du plan de lEquateur sur le plan de lorbite, lautre, qui lest beaucoup moins, ayant pour cause lexcentricité même de lorbite ; par suite de laquelle doit changer la distance du soleil placé au foyer de lellipse parcourue. Lauteur analyse la série des combinaisons dérivées des deux ordres dont le premier est désigné par ladjectif solsticial et le second par ladjectif héliaque. Considérant seulement les saisons terrestres, il les voit se développer selon une très longue périodicité, dont il nous suffira, pour notre objet dindiquer quelques traits.
<o:p> </o:p>
Ainsi lannée 1122 de notre ère, correspondait à la coïncidence du solstice dhiver avec le périhélie et du solstice dété avec laphélie. Lhiver solsticial coïncidait alors avec lété héliaque. « La saison froide et la saison chaude étaient toutes deux à leur maximum de modération, lhiver était aussi peu froid et lété aussi peu chaude que possible ; et en même temps le passage de la saison froide à la saison chaude et réciproquement, sopérait par une gradation continue et symétrique de part et dautre ».
<o:p> </o:p>
Il faut reculer à lan 11760 avant notre ère pour trouver le solstice dhiver sur laphélie et le solstice dété sur le périhélie, et par suite la saison froide et la saison chaude ayant le caractère le plus prononcé quelles puissent avoir. Cest la condition qui en se tempérant graduellement, appartenait à toute la haute antiquité et se trouvait très distincte, quand à la température, de la période actuelle et de celle du Moyen-âge. Dans lannée 14004 il y aura reproduction du même régime.
<o:p> </o:p>
Toutefois il y a lieu de remarquer la complexité de la recherche du caractère des saisons dans le cours de chacun des siècles de la période de la précession des équinoxes en se bornant aux seuls éléments astronomiques.
<o:p> </o:p>
Pour serrer le problème de plus près, il faudrait introduire non seulement la chaleur solaire reçue par le corps planétaire, mais encore la chaleur envoyée par celui-ci à son enveloppe atmosphérique, et avoir égard au refroidissement que les conditions géographiques rendent très inégal. Lapplication quon voudrait faire pour une période limitée seulement exigerait la possession exacte des observations de la température moyenne de chacune des saisons dans les diverses régions du globe, et la science nest nullement en position de fournir cette donnée. « Tous au plus, conclut lauteur, est-il possible de recueillir çà et là dans les monuments de lhistoire ou dans ceux de la nature, quelques traces propres à nous faire reconnaître que les saisons de lordre héliaque acquièrent dans léconomie de la terre une valeur assez prononcée pour sy traduire en phénomènes appréciables, et que par conséquent les climats actuels de cette planète sont destinés à éprouver dici à un certain nombre de siècles, particulièrement dans les régions tempérées, des changements capables daffecter, dune manière sensible, léquilibre de la population qui les occupe. »
<o:p> </o:p>
Prenons la question de fait la plus simple, relative à lexistence, dans les annales de lantiquité, dindices que dans lhémisphère boréal les étés avaient été jadis plus chauds et les hivers plus froids quils ne le sont aujourdhui ; elle présente plus dune difficulté. Arago, en labordant le premier dans une de ses célèbres Notices de lAnnuaire du bureau des longitudes, en donnait une solution négative en se fondant sur le climat de <st1:PersonName productid="la Palestine" w:st="on">la Palestine</st1:PersonName> qui naurait éprouvé aucune variation depuis lantiquité jusquà nos jours. Jean Reynaud, par une série de documents relatifs aux mêmes végétaux, le palmier et la vigne, choisis par son prédécesseur, a pu complètement détruire son assertion. Cest lui qui a constaté quen ce qui concerne le climat de notre pays, lhistoire nous montre la limite septentrionale de la vigne notamment plus élevée vers le nord quelle ne lest ensuite devenue, et cest précisément pendant le Moyen Age que cette élévation a eu lieu, à une date que nous avons mentionnée plus haut, celle de 1122, qui correspond à la coïncidence de lété solsticial et de lhiver héliaque. Quil nous suffise de rappeler quil y avait alors des vignobles sur les bords de <st1:PersonName productid="la Manche" w:st="on">la Manche</st1:PersonName> et même en Angleterre.
<o:p> </o:p>
Lexistence dhivers plus rigoureux dans la haute antiquité que ceux de nos jours, de leur passage à des conditions considérablement plus modérées pendant le douzième siècle de notre ère, et ensuite à une température de plus en plus rigoureuse, résulte dun autre côté de létude des glaciers qui constituent en quelque sorte de véritables thermomètres séculaires. Les stries que ces glaciers produisent par leur frottement sur les rochers, et les moraines quils déposent à leurs extrémités sont des témoignages permanents de leurs anciennes positions et, par suite, de lextrême rigueur de la saison froide régnant dans les contrées quils ont occupées et dont les anciens écrivains nous ont laissé de nombreuses descriptions concluant avec les mouvements davance et de recul observés.
<o:p> </o:p>
En dehors de glaciers des montagnes, ajoute Jean Reynaud, il existe dans notre hémisphère un glacier dune condition géographique assez considérable pour que ses changements ne puissent passer inaperçus : cest le glacier polaire, dont tous les autres peuvent être considérés comme de simples lambeaux ; et si lon veut des informations décisives, cest sur celui-là quil faut interroger lhistoire. Or, il suffit douvrir les annales des peuples du Nord, pour reconnaître que ce glacier a justement suivi une marche conforme à la loi dont nous cherchons à distinguer les effets. Vers le dixième ou onzième siècle, les navigateur scandinaves trouvent la mer libre sur la côte orientale du Groenland ; ils y fondent des colonies qui prospèrent et demeurent en relation suivie avec lEurope ; puis vers le quatorzième siècle, la mer se ferme, les prolongements du glacier polaire sétendent, les communications sinterrompent, le pays se dépeuple et la nature polaire reprend possession dun terrain quelle navait abandonné que pour quelques siècles, précisément dans les environs du douzième. Voilà un fait clair et quil est bien permis de considérer comme une preuve que notre planète est effectivement sensible à la variation séculaire des saisons. Il saccorde dailleurs parfaitement avec le changement de climat constaté non seulement en Islande et dans lîle de Jan Mayen, mais dans larchipel du nord-ouest où diverses traces montrent que la population des Esquimaux est chassée dannée en année de ses anciennes stations, et obligée de descendre vers le sud.
<o:p> </o:p>
Les glaces du pôle sont donc appelées à gagner du terrain de siècle en siècle, et si faible que soit le changement annuel, comme il se doit de continuer pendant une période de plus de cent vingt siècles, à partir du notre, il ne laissera pas de produire finalement des effets assez considérables pour se faire sentir aux population de lEurope et des Etats-Unis. Le plus grand rapprochement du soleil pendant lété aura beau agir en sens contraire de son grand éloignement pendant lhiver, la compensation deviendra insuffisante. »
<o:p> </o:p>
Après quelques considérations sur la position inverse dans laquelle se trouveront les deux hémisphères relativement à la variation du caractère général des saisons, Jean Reynaud voit dans le glacier du pôle Austral, limage de ce que sera dans une centaine de siècles celui du pôle boréal et seffraye du danger considérable qui menace lavenir des contrées qui possèdent aujourdhui les foyers capitaux de la civilisation. Il voit notre mer Glaciale se congeler entièrement, les banquises, après sêtre prolongées le long de <st1:PersonName productid="la Norv│ge" w:st="on">la Norvège</st1:PersonName>, venir presque toucher lextrémité de lEcosse, le climat de Stockholm descendre à Paris, et celui de Paris sur le littoral de <st1:PersonName productid="la M←diterran←e. Les" w:st="on"><st1:PersonName productid="la M←diterran←e." w:st="on">la Méditerranée.</st1:PersonName> Les</st1:PersonName> cultures qui forment aujourdhui la prospérité des latitudes moyennes en seraient rejetées, le Nord perdrait ses avantages et la prépondérance reviendrait peut être aux peuples du Midi.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p>
Nous nous arrêtons là, ce qui précède suffisant pour justifier nos vives appréhensions sur la destinée future de notre climat et appeler lattention sur cette théorie dont on ne sest pas, croyonsnous, assez occupé. Nous avons recommandé la question à des astronomes très compétents, mais qui dirigeaient probablement leurs études dans une autre voie. Cest bien le cas, il nous semble, de rapporter ici, au sujet de la difficulté qui empêche si souvent la vérité de se faire jour, Jean Reynaud nous écrivait autrefois quArago lui donnait tort tandis que Herschel lui donnait raison sur les mêmes théories.
<o:p> </o:p>
Note de Bernard : les prévisions décrites ci-dessus datent de 120 ans. Faites par des « savants de lépoque » elles se révèlent pour linstant être plus que fausses. Sauf que les « savants daujourdhui » ne sont sûrement pas plus intelligents que ceux dhier et que la théorie du réchauffement prônée aujourdhui, nest peut-être que passagère.<o:p></o:p>