Rosalie Peluche de SAINT-JUST-LA-PENDUE<o:p></o:p>
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Les contes des Bords du Rhins<o:p>
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« Institutrice honoraire de lEducation Nationale », cest ainsi que Rosalie Peluche avait fait compléter ses cartes de visite le jour où elle avait quitté définitivement la direction de lécole à deux classes quelle avait dirigée dune main à la fois ferme et maternelle au village de Lacroix de Saint-Just. Trente-sept années et demie dune vocation sans faille, pour ne pas dire sans congé tant ses absences furent rares aussi bien de sa classer que du pays, lui avaient permis dacquérir une connaissance quasi encyclopédique des gens, des us et des coutumes de la région dont elle ne manquaient jamais de se prévaloir.
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Cette présence, que certains trouvaient quelque peu envahissante, lui avait valu le surnom de « <st1:PersonName productid="La Pendue" w:st="on">La Pendue</st1:PersonName> » : appellation dautant plus discutable quelle pouvait sappliquer aussi bien à ses origines, elle était née, en effet, au hameau qui porte ce nom, quà sa langue dont elle faisait un usage manifestement abusif.
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Mais Rosalie Peluche ne se formalisait guère de cette familiarité que lon avait prise avec elle et le sobriquet qui, pour dautres, aurait pu être traumatisant, navait sur elle aucune espèce de conséquence. Il est vrai que sa propension à soccuper avec frénésie de ce qui ne la regardait pas lui laissait le temps de soccuper delle-même.
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Son mari, quelle semblait avoir épousé par inadvertance, sétait très tôt retiré sur la pointe des pieds lorsquil sétait rendu compte quil nétait pas de taille à affronter les deux seules passions de sa compagne : lenseignement primaire obligatoire et les ragots.
Rosalie avait été si peu affectée par cette séparation quil lui arrivait parfois dévoquer sa longue vie de jeune fille sans référence aucune à son aventure matrimoniale.
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Dans sa petite maison au lieu-dit « Chez Clopet », quelle avait héritée de ses grands-parents, elle navait rien changé à la disposition des lieux, moins pour marquer labsence de solution de continuité entre les générations que pour souligner le peu de cas quelle faisait de son rôle de femme au foyer.
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Depuis son départ à la retraite, elle sétait rapprochée de léglise et le curé quelle tutoyait, ils sétaient connus sur les bancs de la communale, ne perdait jamais une occasion de la plaisanter sur ce point. Insensible à la taquinerie, elle essayait parfois délever le débat : « Ecoute Félix, cest tout de même injuste que les femmes ne puissent pas accéder à la prêtrise », « Veux-tu bien te taire Rosalie reprenait aussitôt le curé, le seul sacrement qui tintéresse, toi, dans notre ministère, cest <st1:PersonName productid="la Confession" w:st="on">la Confession</st1:PersonName> ». Elle hochait la tête mais ne le contredisait pas plus avant.
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Il ny avait pour ainsi dire pas de réunion dans le village pour laquelle elle ne se trouvât pas un prétexte qui lui permis dy assister mais il aurait fallu quelle fut bien malade pour se priver dun baptême, dun mariage et plus encore dun enterrement. Cest lors de ces derniers quelle pouvait donner toute la mesure de ses « connaissances ». « Ce pauvre Alphonse, avec la vie quil a menée » et elle détaillait à tout venant, avec une délectation à peine dissimulée, les raisons multiples qui, selon elle, justifiaient amplement une issue fatale aussi rapide. « Tais-toi Rosalie » lui disait-t-on parfois ; elle baissait les yeux, marmonnait une prière mais reprenait peu après et de plus belle : « Tant quil a vécu avec Ernestine ». Et il ny avait guère que le passage à un temps fort de la cérémonie qui mit un terme momentané à son déluge de commérages.
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Les seules obsèques qui ne furent pas lobjet de ragots de Rosalie Peluche, furent les siennes. Ce soir là, un vendredi, il pleuvait à verse sur la colline de Saint-Just-la-Pendue. Tout le village cependant cétait rassemblé au cimetière devant le caveau des familles Peluche et Jacquetou. Après les allocutions dusage ; monsieur lInspecteur de lEducation Nationale sétait déplacé pour la circonstance, on entendit monter du fond de la fosse comme une rumeur confuse à forme répétitive. Le prêtre fit un pas en avant et, prêtant loreille, il crut entendre « Si je suis morte, Félix, cest à cause de » puis le silence sétablit définitivement. « Sacrée Rosalie » dit monsieur le Curé dans un instant dinattention quil parvint à faire oublier en enchaînant aussitôt un ultime Agnus Dei hors programme.
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Léo MIQUEL (1982)
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