• naissance de saint alban 2
     

    NAISSANCE DE LA COMMUNE DE SAINT-ALBAN-LES-EAUX

     

    Délibération du Conseil Municipal de Saint- André d’Apchon

     

    L’an mil huit cent soixante-cinq et le six juillet, sur les dix heures du matin, les soussignés VIAL ROYE, GUYONNET Laurent, DESBENOIT Jean, MONCIGNY Claude-Marie, CAQUET Jacques maire, VIAL Antoine, DARCON Claude, CAQUET Claude, MOISSONNIER Gilbert, PREFOL Antoine et THILLIER Martin adjoint, tous membre du Conseil Municipal de la commune de Saint André d’Apchon assistés de Messieurs GAMBON Charles, CHOMET Jean-Marie, DESBENOIT Claude, COUAVOUX Claude, GOUTTEBARON Claude, LAURENT François, MONTROUSSIER Louis-Jean, BERGERON Antoine, BERGERON Pierre, ROUDILLON Antoine, ROUDILLON Benoît et BOURBON comte de CHASLU les plus imposés, tous réunis sous la Présidence de Monsieur PEROUX délégué par Monsieur le Préfet à la date du vingt-deux mai dernier par suite de la convocation écrite et individuelle à eux faite par Monsieur PERROUX.

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    L’assemblée a pris connaissance :

     

    De la demande des habitants de St-Alban tendant à son érection en commune distincte.

    Du procès-verbal d’enquête de Monsieur le Juge de Paix de Roanne en date du douze juin dernier et autres pièces composant le même dossier plus la lettre de Monsieur le Sous-Préfet de Roanne en date du 22 juin dernier qui autorise cette réunion, par suite Messieurs THILLIER Martin adjoint, CAQUET Jacques Maire, MOISSONNIER Gilbert, PREFOL Antoine, DARCON Claude, CHOMET Jean-Marie, CAQUET Claude, BERGERON Antoine, DESBENOIT Jean, MONTROUSSIER Jean-Marie, LAURENT François membres du Conseil Municipal de SAINT-ANDRE-D’APCHON, sur la vérification des pièces composant le dossier de l’érection en Commune de la section de St-ALBAN expliquent ce qui suit :

     

    Les Conseillers les plus forts imposés de la section du bourg, en protestant tout d’abord contre la délégation de Monsieur PERROUX nommé en cette circonstance par Monsieur le Préfet pour représenter le Maire de la Commune parce que ce dernier ou son adjoint auraient refusé, dit l’arrêté, de signer les pièces relatives à cette affaire, ce qui est complètement faux, les fonctionnaires ayant demandé une demande en règle des habitants de St-Alban et les plans des terrains à distraire de la Commune de Saint-André pour former cette nouvelle commune ainsi que le veut la loi.

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    Ces pièces essentielles leur ayant été refusées ils ont dit purement et simplement  qu’ils signeraient et enverraient à la Sous-Préfecture les pièces relatives à cette affaire aussitôt que celles réclamées par eux leur seraient fournies, et c’est dans ces circonstances que sur le rapport de ces messieurs de Saint-Alban plus ou moins réel, Monsieur le Préfet a pris l’arrêté précité.

     

    L’administration supérieure jugera de la régularité. D’autre part, les conseillers les plus imposés de la même section protestent encore contre la manière irrégulière dont l’enquête s’est faite par Monsieur le Juge de Paix de Roanne sur le commodo et incommodo de cette affaire.

     

    Les habitants de la section de St-Alban sont à peu près tous venus parce qu’ils avaient été prévenus et par écrit et verbalement, tandis que ceux de la section du bourg ne l’ont été que très imparfaitement n’y ayant eu qu’un petit nombre d’habitants qui ont lu l’affiche qui les invitait, et cette affiche signée de Monsieur PERROUX, quoi que datée du 4 juin n’a été apposée que le 6 au soir et l’enquête devait avoir lieu le 12 au matin.

     

    Le délégué aurait don du et faire apposer plus tôt l’affiche, et faire publier la chose à son de trompe ainsi que le recommande la loi, pour que le peuple soit suffisamment prévenu et puisse donner ses dires.

     

     

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    Maintenant venant au fait de la chose. Les habitants de St-Alban disent qu’il n’y a pas d’homogénéité entre eux et ceux de Saint-André. C’est possible du côté d’un bien petit nombre, mais quant à ceux du bourg ils les voient toujours cordialement et en frères. Ils disent aussi que les dépenses budgétaires de la commune leur section n’a pour ainsi dire aucune répartition et que la presque totalité se trouve absorbée par le bourg. En cela on peut leur donner un formel démenti.

     

    D’abord la Commune a fait exécuter et agrandir une route prenant au numéro 8 et traversant tout le village de St-Alan, elle en a fait également ouvrir une autre pour la jonction du même village avec la Commune d’Ouches. Ces chemins ou routes sont même mieux entretenus que ceux du reste de la commune dans la répartition des journées de prestations la section de St-Alban a toujours une large part pour l’entretien de ses chemins.

     

    S’ils se plaignent qu’ils viennent travailler sur le chemin d’intérêt commun n° 51 qui traverse toute la commune, nous leur dirons que nos prestataires du bourg sont bien allés travailler sur la route d’Ouches et sur celle traversant le village de St-Alban alors qu’ils n’y étaient nullement intéressés. Ces motifs qu’ils allèguent sont donc bien puérils.

     

    Ils disent que la distance de leur village au bourg de Saint-André est de 3 kms tandis qu’au plus elle ne serait que de 2 kms et quart et qu’il y a tout au plus 3 kilomètre pour aller aux limites de la Commune de Villemontais.

     

    Ils prétendent et font valoir que l’importance de leurs eaux minérales donnent beaucoup de vitalité au pays tandis que tous les documents sont là pour prouver que les eaux ont perdu considérablement de leur importance depuis plus de vingt ans et que le nombre des malades qui les fréquentent est très restreint. Du reste cet établissement d’eaux minérales qui est une propriété privée est affermée et les fermiers tachent de faire leur affaires et se mettent peu en peine de celle du pays.

     

    La principale chose pour eux est de fabriquer beaucoup de limonades et d’eaux gazeuses. Cet établissement ne doit être considéré que comme une simple usine employant quelques ouvriers.

     

    Ces messieurs de St Alban prétendent aussi et font valoir à l’appui de leur demande que la population de leur section prend un accroissement considérable tandis que les documents officiels attestent que cette  population est restée stationnaire depuis 25 ans. Le recensement de la population fait en 18540 étant là pour confirmer à cette époque que la population était de 390 habitants et au dernier recensement fait en 1860 elle était d’un chiffre absolument égal.

     

     

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    Le principal motif à nos yeux qui engage les habitants de St-Alban à demander de s’ériger en commune et dont ils se gardent bien de parler, motif sans lequel ils n’auraient jamais penser à faire cette demande, c’est que cinq à six notables de la localité ont entrepris la construction d’une église qui est inachevée, construction pour laquelle ils dépenseront 60 et 70 000 francs sans y comprendre le transport des matériaux qui a été à peu près tout transporté gratuitement par les habitants tandis que leurs ressources en souscription faite parmi tous les mêmes habitants n’atteignaient guère que la moitié de cette somme.

     

    Il était libre à ces Messieurs de se montrer généreux et de construire une église de 100 000 francs s’ils le voulaient, mais voyant que leurs ressources en souscription étaient insuffisantes pour faire un pareil monument et qu’ils n’avaient pas l’intention de parfaire la somme de leurs deniers ils n’auraient dû dépenser que 20 000 francs pour cette construction, et avec cette somme et la conduite gratis des matériaux par les habitants ils auraient pu faire une jolie église ce qui s’est fait pour des constructions analogues dans d’autres communes. Les embarras de la commune de Régny qui a voulu dépasser ses ressources pour la construction de son église sont un exemple frappant.

     

    Aujourd’hui ce qui engage ceux qui sont à la tête de cette construction à pousser la section à s’ériger en commune ; c’est afin de pouvoir les imposer au maximum de l’impôt durant quarante ou cinquante ans au moins afin de payer la différence ce qui serait une charge regrettable et désastreuse pour les pauvres habitants, lesquels, pour la plupart sont loin de comprendre les motifs pour lesquels ils sont poussés à demander leur érection en Commune tandis qu’avec leur souscription primitive et volontaire ils auraient pu faire construire et leur église, et une cure ainsi qu’une maison d’école dont ils sont dépourvus.

     

    La section du bourg a fait faire des réparations à son église il y a quelques années pour une somme de 10 000 francs résultant de souscription volontaire mais elle n’a pas essayé de dépenser plus qu’elle ne pouvait payer.

     

    Le gouvernement par une faveur spéciale a érigé en succursale la section de Saint-Alban, le Conseil et les plus fort imposés du bourg sont loin de contester ce fait car cela rapproche les habitants des offices religieux et c’est bien ce qu’ils demandaient et ce qu’il leur fallait.

     

    Quant à former une commune distincte distraite des Communes de Saint-André d’Apchon et de Villemontais, les Conseillers et les plus fort imposés de la section du bourg déclarent s’y opposer énergiquement et font valoir pour les principaux motifs que cette distraction nuirait essentiellement aux ressources budgétaires des deux communes, diminueraient de beaucoup leur importance, que ce démembrement ne ferait que trois communes bien secondaires, que leurs ressources ordinaires ne suffiraient jamais aux dépenses obligatoires sans des impositions extraordinaires annuelles toujours onéreuses pour le contribuable, qu’il serait comme impossible à ces communes de faire aucune réparation urgente ou exécuter des travaux d’utilité publique sans écraser le peuple d’impôts par des impositions extraordinaires, que plus les communes ont d’agglomération plus il leur est facile pour les ressources qu’elles ont de faire face à leurs dépenses budgétaires et à exécuter des travaux d’utilité que si il y avait même plusieurs communes réunies ensemble ces travaux se feraient plus facilement attendu que les dépenses obligatoires seraient plus restreintes pour une seule commune que pour plusieurs, que c’est même dans les vues du gouvernement que les communes se réunissent plutôt pour former une forte agglomération que de se démembrer pour en former de bien secondaires surtout lorsque rien que des motifs puérils le demandent et pour contenter le seul amour propre de quelques personnes que le démembrement demandé serait un bien triste exemple à suivre pour d’anciennes sections de communes érigées en succursales depuis vieilles dates. Tel sont Crozet dépendant de La Pacaudière, Lay dépendant de Saint-Symphorien-de-Lay, la Tuilière dépendant de Saint-Just-en-Chevalet, les Moulins dépendant de Chérier et d’autres section de communes érigées en succursales qui auraient moins autant de droits que ces Messieurs de Saint-Alban dont la section a été érigée en succursale depuis quelques mois seulement.

     

    Enfin que dans tout état de chose, sans rien déranger à la forme actuelle un officier ministériel soit tôt au plus nommé au village de Saint-Alban pour veiller à la police locale.

     

    Tels sont les motifs et les réflexions que les Conseillers Municipaux et les plus fort imposés de la section du bourg de Saint-André d’Apchon prient l’Administration supérieure de prendre en sérieuse considération et ont signé les jours mois et an que dessus après en avoir délibéré.

     

    PREFOL, THILLIER adjoint, MOISSONNIER, DARCON, CAQUET Ainé, GUYONNET, DESBENOIT, CHOMET, CAQUET Maire, LAURENT, BERGERON, MONTROUSSIER, BERGERON, COAVOUX, DESBENOIT.

     

    Par suite, Messieurs BOURBON Comte de CHASLU, MONCIGNY Claude-Marie, VIAL ROYE Paul, ROUDILLON Antoine, ROUDILLON Benoît, GOUTTEBARON Claude, VIAL Antoine, GAMBON Charles, Perroux Président persistent dans leur demande en  érection de commune distincte et s’en réfèrent à la Commission Syndicale pour réfuter les assertions des membres du Conseil Municipal de la section du Bourg de Saint-André d’Apchon et les plus imposés contenues dans la libération de ce jour et ont signé à la même date.

    PERROUX Président, BOURBON Comte de CHASLU, VIAL ROYE, MONCIGNY, ROUDILLON, VIAL, ROUDILLON, GOUTTEBARON, GAMBON.

     

    SAINT-ALBAN FUT ERIGE EN SUCCURSALE PAR DECRET IMPERIAL LE 18 MARS 1865, PAR LA SUITE EN PAROISSE ET COMMUNE LE 28 AVRIL 1866.

     

    CE N’EST QUE DEPUIS LA DELIBERATION DU CONSEIL MUNICIPAL DU 16  FEVRIER 1908 QU’ELLE PORTE LE NOM DE SAINT-ALBAN-les-EAUX (POUR EVITER DES ERREURS DANS L’ACHEMINEMENT DU COURRIER).

                                                        Texte extrait du Bulletin Municipal n° 2  de juin 1979

     

     

     

    texte du site internet :

    Une légende veut que St Alban premier martyr de la foi en Angleterre, avait pour désaltérer ses bourreaux qui le conduisait au supplice, fait jaillir sur son chemin une source miraculeuse qui acquit par la suite la réputation de guérir les malades.

    C’est au beau milieu du vignoble de la Côte Roannaise que jaillit une eau reconnue naturellement gazeuse en 1878. Ainsi on ne peut pas parler du village sans parler de ses sources antiques.
    Jadis coiffées des cloches de cuivre bridées et scellées à la margelle empêchant le joyau tant convoité de s’écouler dans la « Montouse », couvertes d’un grand chapiteau blanc sous lequel Mme Bergeron gardienne du lieu offre selon étrenne, un verre d’eau des puits aux curistes et touristes qui s’abandonnaient à flâner le long de la rivière, bordée de hauts platanes, errant ainsi jusqu’au jardin anglais, où confortablement installés ils pouvaient trouver repos.
    Station thermale réputée dés l’époque gallo-romaine, le village connut ses heures de gloire au 19ème siècle. Chaque année pendant les trois mois d’été la petite bourgade accueillait jusqu’à 1500 curistes par saison. Ces eaux se prenaient alors avec succès, soit en dégustation, soit sous forme de douches ou de bains vapeur à base de gaz carbonique et d’eau minérale.

    L’ambiance de liesse perpétuelle qui, sous la seconde restauration fut celle de la petite station révélée dans la correspondance d’une curiste, « Mme De Sévigné » dit-on, qui exprimait sa résolution d’aller demander à Vichy le repos réparateur rendu nécessaire par cette bruyante et permanente agitation !

    On accourt dés lors de Lyon, de Paris. La création, en 1900, de la ligne de chemin de fer reliant Roanne à Boën fut une aubaine pour le village car le « tacot » permettait aussi à de nombreux promeneurs de rejoindre la station le temps d’une courte halte. Le village s’est ressenti de cette affluence de buveurs d’eau, les logements se multipliant entre 1870 et 1900, s’enrichissant de cinq hôtels : l’Hôtel Saint Louis, l’Hôtel de l’hydrothérapie, l’Hôtel des Eaux Minérales, l’hôtel Thermal, l’Hôtel des Princes auxquels on ajoutait la pension de famille de « Moncigny » (plus connu aujourd’hui sous le nom de Petit Prince) et les nombreuses chambres de fortune proposées par les villageois.

    Comme dans toutes les stations balnéaires, les plaisirs du jeu vinrent s’associer à l’activité locale émergente, avec l’implantation de son casino où chacun pouvait se divertir mais aussi apprécier les représentations de troupes parisiennes lors des fêtes de nuit.
    La période qui suivit fût propice aux compétitions sportives et plus spécialement aux sports mécaniques (c’est encore vrai aujourd’hui avec le traditionnel moto-cross), mais on organisait aussi des courses d’âne…

    La seconde guerre mondiale vint mettre en sommeil l’établissement thermal, le Grand Hôtel et le casino.

    Le peintre Jean-Puy (1876-1960) a séjourné  épisodiquement au cœur même du village, sur la place, face à l’église

     

    http://saintalbanleseaux.fr/
     

     

     


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  • CHALIER
     
     
    CHALIER 2
     

    LA TETE DE JOSEPH CHALIER

     

    (Convention nationale journée du 1er nivôse en II (1) 21 décembre 1793)

     

    Passe à l’ordre du Jour (2)

     

    « Les citoyens Castaing, Candy, et Cerff, députés de Commune-Affranchie (Lyon), se présentent à la barre : ils portent avec eux les centres et le buste du patriote Chalier, assassiné juridiquement par les fédéralistes et les contre-révolutionnaires de Lyon.

     

    « Sur la mention d’un membre(3), la Convention nationale décrète que les cendres de Chalier, martyr de la liberté, seront déposées au Panthéon.

     

    « Renvoie au comité d’instruction publique, pour proposer le mode d’exécution et faire un récit détaillé des traits glorieux qui ont honoré la vie publique de Chalier.

     

    « Il sera fait mention honorable au procès-verbal du zèle et du civisme des pétitionnaires, et leur pétition sera insérée dans le « Bulletin.

     

    « Et sur la mention d’un autre membre(4), tendant à ce que l’on retirât les honneur du Panthéon au général Dampierre, la Convention renvoie au même comité pour lui faire un rapport ».

     

    Le citoyen Mathieu, de Commune-Affranchie, introduit à la barre avec les citoyens Candy, Cerff et Castaing, offre un tableau, en écriture, représentant la pompe funèbre de Chalier.

     

    La Convention Nationale en agréant cette offrande, en décrète la mention honorable au procès-verbal et l’insertion au « Bulletin ».

     

    Sur la motion d’un membre (5), la Convention rend le décret suivant :

     

    « La Convention nationale décrète qu’il sera fait mention honorable du zèle et du courage de la citoyenne PADOVANI, qui surmontant la faiblesse naturelle de son sexe, et bravant la rage de fédéralistes assassins, secondée de son fils, le citoyen Michel Cerff, dans la nuit qui suivit le supplice du vertueux Chalier, déterra son corps s’empara de sa tête et nous a conservé ses traits.

     

    « La Convention nationale décrète en outre que la trésorerie nationale, sur vu du présent décret, payera à ladite citoyenne PADOVANI une somme de 300 livres et que la dite somme lui sera payée annuellement à titre de pension (6) ;

     

    Suit le texte de l’adresse des sans-culottes de  Commune-Affranchie, d’après l’original qui existe aux Archives Nationales (7)

     

    Adresse des sans-culottes de Commune-Affranchie à la Convention

     

    Législateurs,

     

    Des députés de Commune-Affranchie aux citoyens de Paris, vous apportent en pompe le buste d’un martyre de la liberté et l’effigie de sa tête mutilée par les bourreaux de l’égalité, par les ennemis de la République ; nous vous apportons les cendres de cet homme célèbre, elles ont été recueillies par des mains pures arrachées à un sol souillé par la présence momentanée du despotisme et transportées d’une terre étrangère dans le pays natal de la liberté.

     

    Législateurs, vous l’avez décrété, Chalier a bien mérité de la patrie. Eh bien ! Ses cendres sont à votre barre, prononcez sur elles et que votre jugement devance celui de la postérité. Chalier mourut innocent et libre. La calomnie lui prête des crimes, le mensonge effronté produisit les preuves, l’iniquité lui donna des juges, l’aristocratie, le fanatisme, la prévention et les passions haineuses lui donnèrent des bourreaux ; mais la justice nationale a prononcé sur sa tombe entourée de ruines fumantes et des décombre du crime dont il fut la victime.

     

    La voix des représentants d’un peuple libre a évoqué les mânes de Chalier ; citées au tribunal de l’opinion publique, elles ont trouvées pures et du fond de sa tombe Chalier a prononcé l’arrêt de mort contre ses assassins, contre les ennemis de l’égalité.

     

    Législateurs, entendez notre ami, entendez le vous criez par notre organe : restez à votre poste, écrasez royalistes ETC. (le texte ampoulé et alambiqué continue sur plusieurs lignes)

     

    (1)   (21 décembre 1793)

    (2)   Procès-verbaux de la Convention t. 28 p. 16

    (3)   Couthon, d’après les divers journaux de l’époque.

    (4)   Danton, contrairement à la version du procès-verbal, ce membre est également Couthon, d’après les divers journaux de l’époque.

    (5)   Léonard Bourdon, d’après le Moniteur

    (6)   Procès-verbaux de la Convention t. 28 p.16. Toute la minute du décret, jusques et y compris le paragraphe relatif au général Dampierre est de la main de Léonard Bourdon (Archives nationales, carton C 286, dossier 849)

    (7)   Archives nationale carton F 1008 dossier 1397.


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  • LIGER CLUB DE ROANNE,

     

    ASSOCIATION DES PLAISANCIERS DU PORT DE ROANNE,

    CONSEIL DE QUARTIER BORDS DE LOIRE

     

     

    NICOLAS 2014 A

     

     Samedi 6 décembre 2014 à 17h

    A partir de 15 h pour les enfants

     

    Kiosque du Port de ROANNE, Loire

    Gratuit

     

     La 4è fête de Fête de St Nicolas, organisée conjointement par le Liger Club de Roanne, l’Association des Plaisanciers du Port de Roanne et le Conseil de Quartier Bord de Loire se déroulera à partir du kiosque près de la Capitainerie du port de Roanne, quai Commandant de Fourcault, et rendra hommage aux Mariniers de Roanne de 1814 qui ont contribué à la remise de la légion d’honneur à la ville.

     

    Après l'après-midi ludique pour les enfants et avant la distribution des friandises par St Nicolas accompagné du Père Fouettard, rappel de ce haut fait d’armes historique suivi de l’hymne des Mariniers joué par l’accordéon et repris par "le bagad Avel Mor".

     

    Musique, chants et danses, récompenses du concours "Illumine ton bateau », concours de photo sont aussi au programme

     

     

    NICOLAS 2014 C

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  • TABAC 2
     
     

    Originaire d’Amérique, le tabac a connu une diffusion extraordinairement rapide depuis son introduction en Europe au XVI° siècle. Malgré certaines résistances initiales, son usage s’est constitué très tôt en art de vivre. La consommation de tabac, aujourd’hui controversée, est devenue un véritable fait de société qui tient une place importante dans la vie économique et sociale de la majeure partie de la population mondiale.

     

    En l’an 1492, le 12 octobre, alors qu’il est, et restera persuadé d’avoir atteint les Indes, Christophe Colomb aborde avec trois caravelles, la Pinta, La Nina et la Santa Maria, un ilot de l’archipel des Bahamas qu’il baptise San Salvador, les habitants que le navigateur appelle obligatoirement Indos sont, en réalité des Taïnos (*), de langue Aranak, venus de l’Orenoque et qui appellent leur ile : Guanahani. « Nus tous très bien faits, très beaux de corps, très avenant de visage, le front et la tête très larges, les yeux très beaux et non petits, les jambes droites, le ventre plat » tels les décrit Colomb.

    Il leur donne quelques bonnets rouges, quelques perles de verre et beaucoup d’autre chose « de peu de valeur » note le Génois, plutôt radin…

     

    Ses marins, eux, remarquent très vite que les indigènes portent fréquemment à la bouche des touffes d’herbe qu’ils allument d’un tison et dont ils aspirent goulûment la fumée. Ces populations indiennes parent ces plantes de vertus curatives et de pouvoirs magiques ou les considèrent simplement comme dispensatrices de plaisir. Avec étonnement, ils constatent que, selon les tribus, séchées, ces plantes sont fumées dans des pipes ou, sous la forme de cigarettes rustiques, elles sont chiquées, prisées, voire mangées ou bues en décoction. Curiosité oblige, nos hommes les imitent et y trouvent plaisir et « vertu reposante ». Souvenir de leurs découvertes, ils ramènent en Europe des échantillons de l’herbe qu’ils appellent «Tobacco » du non de la canne dont indigènes se servent pour fumer.

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    Pourtant, si la consommation de tabac se répand parmi les marins et dans quelques ports, la plante ne suscite longtemps en Europe qu’un intérêt botanique : des graines de tabac sont plantées en 1554 en Belgique, en 1556 en France (où elles ont été apportées par André Thevet, moine cordelier, de retour du Brésil), en 1558 dans les jardins du roi à Lisbonne et en 1559 en Espagne.

     

    Le Français Jean Nicot, s’il n’est pas réellement l’introducteur du tabac en France, est celui qui va lancer la mode. En 1560, alors qu’il séjourne comme ambassadeur à Lisbonne, il entend parler de cette plante médicinale. Il assure qu’elle agit comme onguent miraculeux sur les ulcères et les blessures et expédie du tabac en poudre A Catherine de Médicis pour soulager ses migraines. Grâce aux vertus médicinales qu’on lui reconnait, la plante fait fureur auprès de la cour. On la respire, on la fume, on la suce, on la boit en décoction.

     

    La culture du tabac se développe aux XVII° et XVIII° siècles. Les esclaves noirs fournissent la main d’œuvre nécessaire aux plantations françaises et anglaises en Amérique du Nord (Louisiane, Virginie, Caroline, etc.), aux Antilles et à Cuba, avant que la plante soit acclimatée en Europe.

     

    Les gens de cour du XVII° siècle mêlent le tabac à leurs plaisirs favoris, et dès lors, en poudre, il devient un produit précieux et va créer l’usage de la tabatière, souvent objet de luxe très recherché où l’or et les pierres précieuses font office de décoration. A l’autre extrémité de l’échelle sociale, le tabac est consommé en carottes et devient la chique des matelots, tandis que les soldats de Louis XIV reçoivent le premier « tabac de troupe » qu’adopteront bientôt l’Autriche, la Hongrie et la Suède.

    Au cours du XIX° siècle, la consommation de tabac va presque quintupler du fait de l’augmentation du niveau de vie, de l’amélioration de la qualité des plantes et de l’apparition de nouvelles façons de fumer (évolution de la pipe, découverte en Espagne par les soldats de Napoléons des cigarettes, appelées « papelillos », les cigares cubains sont importés à partir de 1844).

    Avant les 24 000 tonnes consommées en 1870, 17 000 tonnes sont déjà produites par les manufactures françaises en 1785 et les intérêts commerciaux vont bientôt s’afficher. Il n’est pas difficile de les voir, encore aujourd’hui, s’opposer aux exigences de la lutte antitabac mais ils datent pour le moins de deux siècles.

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    Les chimistes se sont penchés très vite sur la plante importée ; Lémery mentionne en 1696, la production d’une huile vénéneuse par distillation sèche des feuilles de tabac tandis qu’un médecin florentin met en exergue, en 1752, « l’oleum tabacci », comme poison violent. Signalée dès 1809, isolée en 1823, une substance que l’on baptisera nicotine est considérée comme un toxique très violent : Une ou deux gouttes sur la langue ou l’œil d’un chien provoque la mort immédiate. Sur l’intestin, le système nerveux central, les secrétions et les muscles, ses actions sont complexe et généralement biphasique : excitante d’abord, paralysantes ensuite «  écrivent René Truhaut et Jean Michel Jouany dans l’Encyclopédia Universalis.

     

    Ce sont les cigarettes qui vont prendre, dès 1842, le relais de la distribution du poison à grande échelle. Alors que la prise a été le principale mode de consommation du tabac pendant l’Ancien Régime, en 1870 elle ne représente plus en France que le quart de la consommation totale. Cette habitude va encore diminuer dans de notables proportions, sous la double influence des guerres (de Crimée, de 1870 et surtout celle de 1914-1918) qui généralisent l’usage de la cigarette dans les classes populaires et de l’anglomanie qui impose le cigare dans les classes aisées. De 10 milliards en 1923, la production mondiale est passée à 19 milliards de cigarettes en 1940. Après un ralentissement dû à la guerre, c’est l’explosion : 4 600 milliards de cigarettes sont manufacturées en 1982 et depuis, en Europe, seulement plus de deux milliards et demi de cigarettes sont allumées chaque jour…

     

    En dépit des cris d’alarmes des scientifiques, démontrant la nocivité des substances cancérigènes ou toxiques du tabac (environ 3 millions de morts par ans dans le monde, 50 à 60 000 en France) la réaction a été lente à se manifester. Et il faut bien revenir ici aux aspects « gros sous » du problème qui se situe au niveau de l’Etat et donne un caractère bien alambiqué à toutes les croisades nationales entreprises. Les causes de cette ambiguïté ne datent pas d’aujourd’hui.

     

    En 1629, pour protéger les planteurs nationaux, Richelieu taxe le tabac importé. La consommation s’accroit de manière importante ; les riches prisent, les autres chiquent ou fument la pipe. Pour profiter de cette demande, Colbert crée en 1674 un impôt direct par le biais d’une administration privée, confiée à un particulier après adjudication, appelée Ferme du Tabac.

     

    Le fermier bénéficie d’un monopole des ventes à l’intérieur du royaume (la culture ainsi que l’exportation restent libres) et verse une somme forfaitaire au Trésor en échange du droit de percevoir les taxes pour son propre compte. En 1681, la Ferme du Tabac est supprimée et rattachée à la Ferme Générale ; en 1697, elle est rétablie avec un monopole accru : la liberté de culture ne subsiste que dans quelques localités. En 1718, une tentative de libéralisation du commerce échoue du fait de la fraude, et, en 1721 le pouvoir royale restaure définitivement le monopole de la ferme.

     

    Conséquence d’une taxation lourde, les ressources de la Ferme augmentent durant l’Ancien Régime, les contrebandiers sévissent en dépit d’un appareil répressif rigoureux. Ils font passer ce que l’on appelle le « faux tabac » ; ainsi Louis Mandrin, le plus fameux d’entre eux, mourra roué sur la place publique de Valence, le 26 mai 1755. Supprimé en 1791 sous la Révolution, les monopoles sur le tabac seront rétablis en 1811 par Napoléon I°. Puis, en 1926 ils sont gérés par le Service d’Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes : la SEITA.

     

    A connaître le gargantuesque pourcentage d’impôts prélevé dur le tabac, on peut évaluer le « remords’ à devoir se priver d’une telle manne. Et pourtant, il faut mettre en regard, en sus des vies humaines perdues, le poids colossal des dépenses de santé engagées. Car les fumeurs ne sont pas seules victimes (que l’on pourrait appeler « consentantes ») de la passion tabagique. Leurs enfants, leurs voisins, leurs collègues de travail « bénéficient » de ce que les chercheurs appellent la fumée « latérale » diffuse dans l’atmosphère et y régnant à l’instar des particules dispersées par les aérosols. Or, il est prouvé qu’un grand nombre de composés toxiques demeurés ainsi dans l’environnement sont plus nocifs encore que ceux absorbés et, le plus souvent, aussitôt rejetés par le fumeur lui-même. Alors, fumeur = meurtrier sans le savoir ? Il faut le lui dire.

     

    Bien sûr, ces dernières années des efforts important ont été accomplis dans le domaine de la prévention. La Mutualité y a pris sa part. Certaines mesures ont été édictées pour la protection individuelle : la loi Veil en 1976, la loi Evin contre le tabagisme et l’alcoolisme en 1993. La visée du texte de cette dernière est la diminution, notamment pour le tabac, de la consommation en France via l’interdiction totale de la publicité du tabac et la suppression de parrainages des compétions et de l’aide à tous les sports ainsi qu’une réglementation interdisant de fumer dans les entreprises et les lieux publics.

     

    Si elle a montré certaines limites quant au respect de la réglementation dans les entreprises et la restauration, elle a eu le mérite de dénoncer les risques de ce fléau, même si l’on attend toujours des actions volontaires en matière de prévention. Il est indéniable que l’image sociale du tabac s’est radicalement modifiée au cours de ces dernières années et qu’en France la consommation de tabac est en diminution. Pour preuve, les Français ont fumé 88,3 milliards de cigarettes en 1995, contre 90,1 milliards l’année précédente et 97, 1 milliard en 1991, soit une baisse de près de 10%.

    Par ailleurs, le coût des cigarettes jugé trop élevé, en particulier par les jeunes, est un élément dissuasif. Il existerait bel et bien un lien direct entre baisse de la consommation et augmentation du prix des cigarettes. Les fabricants estiment en effet qu’en cinq ans, le prix de la cigarette a augmenté de plus de 77%.

     

    En matière de lutte contre le tabagisme et ses ravages, des mesures dissuasives seules ne suffisent pas. La rechercher médicale a nettement défini le problème d’accoutumance et situé le tabagisme au niveau de la toxicomanie. Mais fumer, n’est pas seulement satisfaire un besoin, c’est aussi, souvent sacrifier à un rituel. La main au paquet de cigarettes se retrouve liée à des moments précis ou à d’autres gestes : prendre le café, s’asseoir devant la télévision, téléphoner ou se lever de son bureau. Le fumeur désireux de ne plus fumer doit se débarrasser de ses automatismes et savoir que s’arrêter de fumer est un  processus lent, lié aux phénomènes de dépendance et assujetti à une évolution intérieure dont les résultats sont parfois assez mystérieux.

     

    La meilleure thérapie du fumeur n’est pas la seule volonté, elle exige d’abord une profonde motivation et les médias ont ici toute leur nécessité. Mais dur, dur de se séparer du cadeau des Taïnos.

     

    (*) : cf. Jacques Attali dans son ouvrage « 1492 » publié chez Fayard.

     

    Bulletin LA TUTELAIRE, numéro de Novembre 1997.

     

    Voir aussi http://lettre-cdf.revues.org/278

     

    EN FRANCE :

    La production industrielle de tabac en France a débuté en 1637 à l'abbaye Clairac. Elle s'est vite développée. Séchoirs et bâtiments en témoignent

    Clairac (47), berceau de la production du tabac en France

    La main-d'œuvre féminine a marqué l'histoire des manufactures. 

    TABAC 5

     

    Si le moine cordelier André Thévet, de retour du Brésil, le cultive apparemment dans les environs de sa ville natale d'Angoulême, en 1556, c'est bien à l'abbaye de Clairac, en 1637, que ce dernier donne judicieusement le coup d'envoi de la production industrielle du tabac en France.

    Sept ans après la mise en place d'une taxe, par le cardinal Richelieu, sur l'importation ce « pétun » venu du bout du monde. Jean Nicot, lui, restera dans l'histoire comme celui qui en 1560 l'a introduit sur le territoire, sous forme de poudre envoyée du Portugal, où l'ambassadeur était en poste, à destination de Catherine de MédicisÂ…

    « Très vite, à Clairac et Saint-Léger notamment, les petits propriétaires ont trouvé cette plante intéressante. À l'époque, on prêtait aussi des vertus à l'eau des environs, mais peut-être n'est-ce qu'une légende », évoque Alain Glayroux, coauteur, avec Bernard Lareynie, de la revue d'histoire locale « La Mémoire du fleuve. »

    Main-d’œuvre féminine

    « La production s'est rapidement organisée. Les femmes, en raison de leur supposée dextérité, ont vite représenté une main-d’œuvre toute trouvée », poursuit l'ancien salarié de la Seita. La tabaculture a rapidement explosé dans la vallée de la Garonne et celle du Lot. Elle permet de produire tout d'abord des cigares, du tabac à priser ou des « carottes » à chiquer. Viendront ensuite le tabac à pipe puis la cigarette.

    À Tonneins, une des 11 manufactures royales des tabacs sera construite, au bord du fleuve pour permettre le transit des marchandises. « Les plans remontent à 1831, rappelle Alain Glayroux. Après la Révolution, l'État a organisé la filière, génératrice de revenus, et décrété son monopole. » Dans les murs de la manufacture tonneinquaise, un millier d'ouvrières s'affairaient.

    Manufacture royale

    Ces dernières pensaient même à nourrir les chats pour qu'ils restent à proximité et chassent les rongeurs qui attaquaient les balles de tabac. Malgré ces efforts, « les inondations répétitives et l'insalubrité ont conduit au transfert de la Manu vers le centre-ville, non loin de la gare de Tonneins ». La décision a été prise en 1866, les bâtiments achevés en 1871, à la fin de la guerre franco-prusse. Plus moderne, elle ne nécessite pas autant d'employés mais en a compté jusqu'à 500, sans les emplois induits, jusqu'à l'annonce, le 10 novembre 1998, de la fermeture de la Manu et de la Direction régionale de la distribution (DRD) au 31 décembre 2000. Aujourd'hui, les bâtiments témoignent encore de ce passé glorieux tout comme les centres de fermentation d'Aiguillon,Damazan même s'il a en partie brûlé, Villeneuve ou encore Marmande qui hébergeait la Direction des tabacs. Des centaines de séchoirs, aussi, ont façonné le paysage.

    La filière résiste

    À la grande époque industrielle, « il y avait plus de 1 000 hectares de tabac dans le département », assure Étienne Van Gestel, tabaculteur néracais et président de Tabac Adour Garonne, coopérative qui, sur cinq départements (47, 33, 40, 64 et 65), réunit 300 producteurs qui cultivent quelque 700 hectares.

    Pour le professionnel, « les besoins en main-d’œuvre et la baisse de la démographie agricole » ont contribué au déclin de la production. La fin du découplage des aides et la baisse des prix n'ont pas aidé non plusÂ… Aujourd'hui, Burley (70 %) et Virginie (30 %) sont encore cultivés. Le brun, lui, a presque disparu.

     

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    Heureusement, Traditab, société tonneinquaise qui s'est lancée dans la production de son propre tabac à rouler, le 1637, représente « des débouchés appréciables et une valorisation » d'une partie de la production de la coopérative. Et si l'avenir « est compliqué », selon Étienne Van Gestel, « la modernisation » permettra aux tabaculteurs de perpétuer une tradition vieille de près de quatre siècles.

                     Journal SUD OUEST du mercredi 12 novembre 2014


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  • L'homme n'a pas attendu que des sergents de ville eussent inventé l'impératif catégorique : « Cirrrculez ! » Pour se donner pas mal de mouvement à la surface du globe. Il le faut bien, puisque voilà longtemps que tout est habité, sauf les endroits inhabitables. Cela suppose bien des pérégrinations variées, dont l'histoire n'a daigné nous raconter que quelques-unes. Mais le peuplement du monde entier n'a nullement mis fin, comme on peut le voir, à cette activité calculatrice. Jamais on n'a imaginé tant et de si parfaits moyens de se transporter d'un bout de la terre à l'autre que depuis le jour où l'on a été sûr, en se déplaçant, de trouver la place prise partout. L'homme marche. Cette marche à travers les siècles et selon les circonstances prend mille noms divers. Il marche sur terre, il marche sur l'onde, il marche même dans les airs. Il marche en envahissant, il marche en émigrant, il marche en colonisant, il marche en explorant; il marche pour faire des conquêtes comme pour faire des visites. Le coureur qui briguait la couronne olympique usait de ses pieds comme le disciple d'Aristote qui écoutait en se promenant les théories de son maître. Sur quelque point du globe qu'on jette  les yeux, ce sont des gens qui se déplacent. La vie de l'humanité se manifeste avant tout par une série de mouvements : mouvements des laboureurs dans les campagnes, mouvement de la foule dans les rues, mouvement sur les frontières des peuples. Le commerce enfante des déplacements qui s'appellent importations, exportations, transit, livraison, organisation de caravanes. La religion en crée aussi, qui s'appellent processions, pèlerinages, croisades. Les pouvoirs publics en organisent pour leur part, et de redoutables : ébranlement d'armées sur les champs de bataille, évolutions de flottes sur les mers. Donc, tout bouge sur la terre, le Nord comme le Midi. Mais rien de plus varié que les moyens de locomotion dont dispose le roi de la nature.

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     Ces moyens nous allons, avec la permission de nos lecteurs, les passer rapidement en revue. La chose est doublement actuelle : d'abord, parce que nous vivons à une époque où l'on invente sans cesse de nouveaux instruments de transport, ensuite, parce que chaque mode de déplacement exerce sur la fraction d'humanité qui se déplace une influence sociale parfois bien curieuse, et aujourd'hui, sur quelque terrain que l'on se trouve, l'on cherche instinctivement le point de vue social. Oui, le véhicule a une grande influence sociale. Nous nous en apercevrons dès le premier pas — c'est ici le cas d'employer la figure — et le premier pas dans l'art de la locomotion a précisément consisté à mettre, comme l'on dit vulgairement, un pied devant l'autre.

     

    LA LOCOMOTION PEDESTRE

    Quand Tartarin arriva, tout couvert de boue et de poussière, au sommet trop civilisé du Righi, une servante lui demanda s'il voulait prendre l'ascenseur pour monter dans son appartement. Et Tartarin très fier répondit : « Pedibus cum jambisse, ma belle chatte ! » 

    Sous une forme pittoresque, l'illustre Tartarin exprimait une vérité profonde, à savoir que les plus merveilleuses inventions humaines sont loin de rendre inutiles les moteurs naturels mis par Dieu lui-même à la disposition de ses créatures. En dépit de tous les véhicules et de toutes les combinaisons destinées à diminuer la fatigue, l'habitude de marcher ne s'est pas perdue. Elle est si bien vivante que beaucoup de personnes, en des endroits où ils n'auraient qu'à se laisser emporter sur l'aile de la vapeur ou de l'électricité, éprouvent le besoin de se servir de leurs jambes ne fût-ce que pour protester.

     

    Du reste, avez-vous remarqué une chose? C'est dans les grandes villes, où fourmillent omnibus et tramways, que l'on rencontre le plus de gens affairés marchant très vite, et c'est dans les petites villes, où n'existe pas la moindre patache, que l'allure des promeneurs est peut-être le plus indolente. Dans nos armées, l'artillerie a fait bien des progrès. Pourtant n'est-ce pas l'infanterie qui garde le surnom de « reine des batailles » ? Des stratégistes prétendent même que les batailles se gagnent autant avec les jambes qu'avec les bras. Bien des désastres qui déroutent, dans l'histoire des combats célèbres, provenaient probablement de ce que l'une des deux armées était fatiguée par une longue étape et ne se sentait, pas la force de jouer encore des jambes pendant une heure ou deux. C'est que la guerre se fait sur tous les terrains, y compris ceux où ne peut se hasarder aucun véhicule, et que du reste on ne saurait trouver des véhicules appropriés aux évolutions multiples de quatre ou cinq cent mille soldats.

     

    De même, dans nos grandes villes, il est mille occasions où l'on a plus vite fait de faire une course à pied, ou d'envoyer un commissionnaire, que de s'adresser à un système de communication plus compliqué, quel qu'il soit. N'est-ce pas aux environs des gares que l'on a le plus de chances de rencontrer ces individus qui, voyant passer une voiture chargée de malles, se mettent à lui courir après à toutes jambes ? Le chemin de fer, chose curieuse, crée donc des occasions de gagner de l'argent avec ses pieds. Mais il est encore des pays, et des plus vastes, où le seul moyen de transporter les marchandises est de les charger sur le dos d'un homme, et de lui dire : « Marchez. ».

    C'est ainsi, que les choses se passent en Afrique. Demandez plutôt au commandant Marchand, un nom, prédestiné par exemple ! Et ce n'est, pas une petite affaire que de traverser un continent de la même manière que Tartarin escaladait le Righi. Une promenade à pied, pour nous, évoque essentiellement l'idée d'une chose banale et facile.  Nous oublions — ingrats que nous sommes — que d'innombrables générations d'ancêtres ont travaillé à nous donner des routes, des rues, à inventer le pavage, l'asphalte, le macadam, à remplacer par des chemins bien entretenus de longs rubans de forêts ou de formidables tranches de marécages. II faut se représenter le monde : tel qu'il était à l'aurore des siècles, tel qu'il s'offrit aux premières familles qui voulurent se déplacer et planter leur tente ailleurs. A part les prairies, où la marche, on le comprend, était relativement facile, tous les autres terrains du globe durent opposer de singulières résistances aux velléités ambulantes des premiers promeneurs de l'humanité.

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    Les premières marches furent de vrais combats contre l'arbre, contre la liane, contre la broussaille, contre la boue, contre les rochers, contre les bêtes féroces innombrables dans ce premier âge de l'humanité. On a remarqué depuis longtemps que les Indiens de l'Amérique du Sud ont l'habitude de marcher les uns derrière les autres, comme des étudiants en monôme. On appelle même cela « marcher à la file indienne ». Pourquoi? Parce qu'on est loin de circuler commodément dans les forêts tropicales, et que, lorsqu'on, y a pratiqué un passage à peine assez large pour un homme, c'est déjà bien beau. Or, l'habitude une fois prise dans la forêt, on la garde ailleurs. Puisque nous parlons de l'Amérique, rappelons que c'est à pied, très probablement, que sont arrivés les premiers hommes qui aient peuplé ce continent. Le détroit de Behring, en effet, est congelé pendant l'hiver, et on peut le traverser aussi facilement qu'un champ de patinage. De proche en proche, les populations, du nord-est de l'Asie durent s'acheminer vers l'Alaska, sans seulement flairer — ô gens peu roublards ! Les mines d'or du Klondyke. Plus, toujours à pied et sans se presser, nos Asiatiques naturalisés Américains durent redescendre jusqu'à la Patagonie ; le tout, sans se douter probablement, qu'ils découvraient un nouveau monde, ce qui laisse intact le brevet de Christophe Colomb.

     

     Il y a eu des marcheurs célèbres, notamment Achille aux pieds légers, ou encore, moins loin dans l'histoire, ce soldat de Marathon qui  à l'issue de la bataille, courut à Athènes en apprendre la nouvelle aux magistrats, et tomba mort à leurs pieds. Mais le grand héros de la marche à pied, celui qu'a idéalisé la légende, c'est incontestablement le juif errant. Celui-là, c'est plus que le type héroïque, c'est le type surnaturel. Celui-là ne tombe mort aux pieds de personne. Il va, et il va. Les étapes s'allongent et se multiplient sous ses pas sans que rien ne puisse en limiter le chiffre fantastique. Toujours voyageur, toujours proscrit, persécuté, mais indestructible, il se promène en tous pays, image populaire et naïve de ce cosmopolitisme sémite qui sévit, depuis l'ère chrétienne, parmi tous les peuples de l'univers. C'est à pied que le juif vient, c'est à pied qu'il s'en va. On ne le voit pas arriver. Il est difficile de le faire partir. Son pied glisse sur notre sol sans faire de bruit, sans que rien ne nous avertisse qu'un intrus commence à rôder autour de nos demeures. Mais, une fois découvert, si l'on prétend le proscrire, il semble que ses sandales aient pris racine dans la terre, dans les pavés, et, devant les plus formidables explosions du courroux populaire, le sinistre voyageur ne recule que lentement, que pas à pas, avec la ferme intention de revenir le plus tôt possible.

     

    LES AUXILIAIRES DU PIED

    On naît avec des pieds. On ne naît pas avec des chaussures. La chaussure n'est pas indispensable à la marche, vu que, aujourd'hui encore, des peuplades entières se passent de cet accessoire, au grand préjudice des cordonniers travaillant pour l'exportation. Mais il est clair que l'invention du soulier, ou tout au moins celle de la semelle, n'a pas médiocrement aidé aux progrès de la déambulation. Le soulier c'est déjà, si l'on veut, du machinisme. Cela augmente la force du pied, comme le levier augmente la force du bras. Cela permet de faire abstraction, dans une large mesure, des aspérités plus ou moins désagréables du sol. Il est vrai que, chez les gens qui marchent sans chaussure, la plante des pieds, comme si elle comprenait la nécessité de s'adapter à la situation, s'endurcit au point de former une semelle naturelle. Mais on conçoit que, dès l'antiquité, les orteils civilisés aient manifesté plus d'exigences. Les Grecs et les Romains se contentaient généralement de sandales. Cela tient moins chaud que des snow-boots. Pourtant, ils connaissaient des chaussures plus montantes ; Melpomène avait le cothurne, Thalie le brodequin : deux articles de cordonnerie d'où sortit tout l'art dramatique. Du reste, les anciens, même riches, ne perdaient pas une occasion de se déchausser, par exemple, lorsqu'ils rentraient chez eux, ou lorsque, comme Socrate dans le Phèdre de Platon, ils rencontraient sur leur route un clair ruisseau qui les charmait par son murmure. Rien de plus vite fait alors que de s'asseoir au bord des ondes, et, sous prétexte de philosophie, de se payer un poétique bain de pieds. La chaussure était donc un emblème d'activité que repoussaient le repos et la paresse. Autant de perdu pour les cors aux pieds. L'apparition des bottes n'eut lieu que plus tard, et se rattache à l'invasion des peuples du Nord. C'est une légende moyenâgeuse qui, pour donner aux enfants l'idée d'un moyen de transport rapide, créa « la botte de sept lieues ». Tout se rapetisse aujourd'hui, hommes et choses. La botte, suivant cette loi, est devenue la bottine. Nous avons aussi la pantoufle, mais cet ustensile, cher aux naturels sédentaires, n'a jamais été considéré comme l'auxiliaire du marcheur.

     

    A ceux-ci, on promet mieux. L'usage des pneus, pour les bicyclettes, a fait jaillir de cerveaux inventifs une idée féconde. Pourquoi un pneu, puisqu'il aide une bicyclette à mieux rouler, n'aiderait-il pas les piétons à mieux marcher? Il est donc grandement question, dans certaines sphères scientifiques, de garnir la semelle de nos bottines d'une sorte de boîte en caoutchouc, dûment remplie d'air comprimé, afin de faire rebondir le pied, qui, dès lors, avancera tout seul. Du reste, l'instrument qui donne au pied son maximum de vélocité est inventé depuis de longs siècles. Le seul obstacle à la généralisation de son emploi, c'est qu'il ne peut fonctionner que sur la glace. Nous voulons parler du patin. Il est dommage qu'on ne puisse faire lutter sur la même piste un cycliste et un patineur. Qui sait si un bon patineur ne l'emporterait pas sur un bon cycliste ? D'où il résulte ce paradoxe que les deux pôles, ces seuls points du globe où l'homme n'ait jamais mis le pied, sont précisément ceux où il lui serait le plus facile d'aller à pied. Nous ne pouvons terminer la revue des auxiliaires du pied sans dire un mot des échasses. L'usage en est peu répandu, mais les habitants des Landes, pendant de longs siècles, ont admirablement compris l'utilité de ces longues perches, qui permettent de narguer le marécage, et de faire classer comme habitables des régions qui semblaient devoir rester inhabitées. Nul instrument de transport, on en conviendra, n'a si littéralement grandi l'homme. Voyez les Cadets de Gascogne, ces hommes si fiers, si truculents, faisant sonner si fort leur bravoure, et regardant de si haut tout ce qui n'est pas eux. Cet état d'âme ne dénoncerait-il pas, aux yeux d'un psychologue suffisamment subtil, l'influence atavique des échasses?  Cyrano de Bergerac, d'un bout à l'autre de la pièce qui porte son nom, n'évoque-t-il pas, par ce qu'il y a de gigantesque et d'exagéré dans son attitude, l'image de ces autres Gascons qui, planant au-dessus de la lande plate et prosaïque, s'élancent à vastes enjambées vers les horizons infinis?

     

    L’HOMME VEHICULE PAR L’HOMME

    Dans la série des moyens de locomotion, ce qui fait suite immédiatement aux pieds du voyageur, ce sont ces appareils au moyen desquels on se fait porter par quelque autre, comme la chaise à porteur, le palanquin, la brouette chinoise et la voiture de bébés. La personne qu'on transporte ne se sert pas de ses pieds, mais son transport exige que d'autres se servent des leurs. C'est un cas de ce que les économistes appellent, comme on le sait, la division du travail.

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    La chaise à porteur est célèbre dans notre histoire et dans notre littérature. On peut voir, au grand Trianon, les somptueux spécimens qui en ont été conservés. On faisait dans ce genre de petits chefs-d’œuvre. Les carrosses existaient sans doute du temps du grand roi, mais leur usage se trouvait forcément restreint par l'étroitesse d'un très grand nombre de rues. Nos bons aïeux, lorsqu'ils bâtissaient peu à peu la capitale, ne se doutaient pas des proportions qu'elle atteindrait un jour. Aussi, dans bien des cas ceux qui ne voulaient pas aller à pied étaient forcés de se faire porter à bras. Du reste, n'était-ce pas du dernier chic pour des hommes que de se faire porter par d'autres hommes? Il n'est rien qui affirme tant la supériorité des « personnes de qualité » sur les « marauds » et sur les « faquins ». Un personnage de Molière, en visite chez Célimène, fait allusion à son véhicule lorsqu'il dit dès son arrivée : Parbleu! S’il faut parler de gens extravagants, Je viens d'en essuyer un des plus fatigants : Damon le raisonneur qui m'a, ne vous déplaise, Une heure, au grand soleil, tenu hors de ma chaise.

     

     Le palanquin, c'est la chaise à porteur à l'usage des tropiques. Le véhicule est ouvert, parce qu'il fait plus chaud. Les porteurs sont généralement noirs au lieu d'être blancs. Constatons en passant que les moyens de transport où la force motrice est empruntée à l'homme ne se rencontrent que dans les pays et aux époques où « la main-d’œuvre » est à vil prix. L'existence de pareilles coutumes dénote la présence d'une nombreuse catégorie de gens inférieurs, prêts à accepter les tâches les plus humbles, les plus ingrates, pour un salaire modéré. Essayez donc d'aller vous faire transporter en palanquin aux Etats-Unis! Dans ce pays où l'homme sent sa valeur, il n'y a plus même que les millionnaires qui puissent se payer des fiacres. Un Yankee vous dirait des injures si vous lui proposiez de transporter à bras un autre Yankee. Un Chinois, en revanche, serait enchanté de l'aubaine. Ce qui prouve, une fois de plus, que les races se touchent et ne se ressemblent pas. L'Européen qui débarque en Chine et qui veut prendre une idée de Canton, de Shang- Haï, etc., n'a qu'un mode pratique de locomotion : la brouette. Il s'assied dans le rustique appareil, et un gaillard aux solides jarrets se met à le pousser, en courant partout où Son Excellence désire promener sa curiosité. Nos voyageurs et nos missionnaires ont maintes fois expérimenté cette sorte de poussepousse. II paraît que l'on va fort vite, et. Que nos coureurs chinois rendraient des points à bien des haridelles de fiacre dont les propriétaires ont l'outrecuidante prétention de vous mener « à la course ». Les Chinois, qui ne boudent pas devant ces galopades pédestres, voient d'un mauvais œil les ingénieurs qui viennent chez eux construire des chemins de fer. Ils aiment mieux dépenser la force de leurs muscles que d'obliger la houille à livrer la sienne. Pour un peu, les pousseurs de brouettes se syndiqueraient contre la concurrence de ces ouvriers étrangers qu'on appelle des locomotives. On est traditionnel ou on ne l'est pas.

     

     Quant à la voiture de bébés, quelle chose sacrée et gracieuse ! Ce véhicule-là ne disparaîtra pas de sitôt de nos sociétés civilisées, où il rend aux mamans tant d'inappréciables services. La voiture d'enfants repose les bras de la mère ou de la nourrice, cumule avec ses fonctions de véhicule celles de berceau. Elle est l'ornement de nos promenades. Son roulement léger sur le sable des grandes allées ombragées est chose douce et suave. C'est à Paris que l'on voit le plus de mères de familles pousser elles-mêmes la voiture de leurs enfants. Cela tient probablement à ce que les domestiques y sont plus chères qu'en province, et que bien des familles, qui auraient ailleurs deux servantes, ne peuvent en avoir qu'une à Paris. Ce qu'on voit encore à Paris, et jamais ailleurs à notre connaissance, ce sont des voitures d'enfants poussées par les papas. Il nous est arrivé à plusieurs reprises, surtout le dimanche, de croiser dans nos jardins publics des messieurs « très bien », en redingote et chapeau de soie, qui, avec toute la gravité et la dignité désirables, faisaient rouler devant eux l'ambulant asile de leur bébé. Et la chose, qui aurait paru singulière dans bien des villes de notre connaissance, petites et mêmes grandes, avait l'air de n'étonner personne. La punition des domestiques exigeants, c'est d'apprendre à leurs maîtres à se passer d'eux.

     

    LE CHEVAL

    Nous voilà en plein dans, les questions sociales. Et il y a de quoi. Le mode de transport joue un rôle éminent parmi les facteurs qui déterminent la formation des racés humaines. Pour mieux nous en convaincre, jetons un coup d'œil sur l'animal transporteur par excellence : le cheval. Le cheval seul a rendu possible les grandes invasions d’Attila, de Gengis Kan, de Tamerlan, ces grands chefs qui ont passé dans l'histoire comme des météores sanglants, et qui ne dirigeaient pas de véritables armées, mais des inondations de cavaliers sortis en tumulte de leurs immenses steppes d'Asie. Huns ou Mongols émigraient à cheval, combattaient à cheval, mangeaient à cheval, dormaient à cheval. Leurs femmes, leurs enfants suivaient à cheval, ou dans des chars traînés par des chevaux. Leurs incursions étaient rapides, foudroyantes, parce que les autres armées vont à pied, au lieu qu'ils pouvaient user de toute la vélocité du cheval. Mais ces incursions s'arrêtaient à peu près aux régions où expiraient les vastes plaines d'herbe, parce que, à partir de là, il n'y avait plus moyen de nourrir des centaines de milliers de chevaux. Et ces terribles débordements de peuples cessaient comme par enchantement, au moment où la terreur des nations civilisées était à son comble. Pourquoi ? Parce que ces nomades n'ayant plus d'herbe à faire brouter à leurs bêtes, avaient tout simplement tourné bride et s'étaient enfuis au galop. Chez d'autres peuples, l'espèce chevaline n'était pas assez nombreuse pour que tout le monde pût être cavalier. Aussi le cheval devint-il, suivant l'expression de Buffon, un animal noble. Monter à cheval fut un privilège, l'attribut d'une classe supérieure. A Rome comme   Athènes, il y eut des chevaliers. C'est également de ce nom que l'on appela les guerriers d'élite du moyen âge. Le mot de cheval entra dans la formation des mots chevalier, chevalerie, chevaleresque. En Espagne, toute personne qui se respecte et se glorifie de son rang social s'enorgueillit du nom de cabaïlero. De nos jours, enfin, les jeunes gentilshommes se destinent à l'état militaire choisissent plus volontiers la cavalerie que l'infanterie, tandis que ceux qui restent « dans le civil » se passionnent pour les concours hippiques  et les courses de chevaux. On a cité des nobles décavés qui, réduits à travailler pour gagner leur vie, s'étaient  faits quoi? Cochers de fiacre. Et ne dirait-on pas, à la morgue de nos automédons, que cette profession inférieure, uniquement parce qu'elle donne occasion de conduire un cheval, comporte encore je ne sais quel cachet de supériorité et de distinction?

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    LE CHAMEAU

    Des peuples entiers, pour se transporter, n'usent pas du cheval, mais du chameau. L'empire du chameau est large. Il comprend tous les déserts d'Afrique et une partie de ceux d'Asie. Seul, le chameau rend habitables des régions où l'on ne croirait pas devoir trouver la vie. Lui seul, en particulier, permet de coloniser les oasis et de les relier entre elles. Le chameau a été appelé « le vaisseau du désert », épithète ingénieuse et exacte, qui fait ressortir un des principaux caractères des espaces stériles, couverts de sable ou de cailloux. Ces espaces ne sont pas des terres proprement dites, ce sont des mers solides, des surfaces non appropriées, qu'il ne s'agit pas d'occuper, mais de franchir comme on franchit les flots pour passer d'un rivage à l'autre. Le chameau et surtout le dromadaire permettent à l'Arabe, au Touareg, de dévorer ces espaces avec une incroyable rapidité. On a souvent admiré le peu de temps que mettent certaines nouvelles à se répandre dans tout le Sahara. Qu'une caravane, au courant d'une information, rencontre seulement deux ou trois caravanes qui doivent en rencontrer chacune deux ou trois autres, et voilà notre information épandue depuis les rivages du Sénégal jusqu'aux monts de l'Abyssinie. D'où il résulte que le chameau n'est pas  seulement le concurrent du chemin de fer, c'est encore, comme on le voit, un excellent succédané du télégraphe.  Le chameau est un vaisseau, mais quel genre de vaisseau? Vaisseau marchand ou vaisseau de guerre? — Les deux à la fois. Le chameau est un vaisseau marchand. Il transporte sur son dos toute une lourde cargaison de denrées précieuses, que Ies trafiquants vont vendre sur les grands marchés — nous allions dire dans les grands ports — du désert. Le chameau est un vaisseau de guerre, un corsaire rapide, une citadelle presque flottante dont la bosse représente la tourelle de nos croiseurs. Grâce à lui, d'incorrigibles forbans écument encore aujourd'hui la mer de sable comme leurs confrères, les pirates barbaresques, écumaient jadis la Méditerranée. Nos vaillants explorateurs en savent malheureusement quelque chose. Peut-être les nations civilisées ne viendront-elles à bout de ces écumeurs du désert qu'en équipant des flottilles semblables aux leurs pour leur donner la chasse c'est-à-dire en délivrant des sortes de lettres de marque à de bons corsaires chameliers.

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     Le chameau seul peut guérir les maux causés par le chameau. Nous ne nous appesantirons pas sur les autres animaux transporteurs. Nous ne nous livrerons donc à aucune considération sur les éléphants, ces formidables auxiliaires de Pyrrhus et d'Annibal, qui, plus pacifiques aujourd'hui, bercent sur leur large dos, à travers les jungles de l'Inde, des gentlemen en casque blanc. Nous ne parlerons pas des mules espagnoles, ces bonnes mules qui, transportées en Afrique par les Anglais, se permettent de prendre quelquefois le mors aux dents et de passer à l'ennemi avec leurs canons. La mule et le mulet sont les chevaux de la montagne, et l'âne l'est aussi dans une certaine mesure, ce pauvre âne si ridiculisé par nous, et si magnifiquement loué par Homère. On sait que le poète, pour exprimer le courage d'Ajax reculant pied à pied vers les vaisseaux des Grecs devant les Troyens qui le pressent, ne trouve rien de mieux que de nous dire du héros : « Il reculait, oui, mais comme un âne! »

    LES ÉQUIPAGES DIVERS

    Les animaux transportent l'homme de deux manières : en le prenant sur leur dos, et en traînant des véhicules où il se prélasse. Nous venons de voir la première manière. La seconde concerne la multitude infinie des voitures. La voiture n'a dû prendre naissance qu'assez tard. Nos ancêtres aimaient mieux enfourcher une monture qu'atteler celle-ci à un appareil roulant, et cela pour deux raisons : d'abord, cela coûtait moins cher; ensuite, un appareil roulant suppose généralement une route. Où le sabot se pose, la roue ne passe pas toujours. Pourtant, il est des véhicules peu exigeants sous ce : rapport, et qui s'aventurent très bien sur des terrains dépourvus de route; Tels sont ceux de nos braves Boers. Ces énormes chars, traînés par huit ou dix paires de bœufs, parcourent les solitudes de l'Afrique australe, et facilitent au besoin l'exode de la population devant, un ennemi victorieux. C'est au moyen de ces massives roulottes que nos fiers paysans ont accompli leurs déménagements antérieurs, qui les ont amenés des rivages du Cap aux rives du Limpopo. L'Afrique est grande, et, quand une position est intenable-, fouette cocher, le Boer, sa famille, ses meubles, ses troupeaux, sa vieille Bible, prennent, à travers la plaine plus ou moins raboteuse, l'indécis chemin de la liberté. Tel était à peu près l'équipage des monarques mérovingiens, en particulier de ceux qui, préférant l'exploitation de leurs domaines aux soucis de la politique, furent, peut-être à tort, traités de rois fainéants. .Pendant longtemps, le beau sexe voyagea peu. Mais, quand les dames se mirent à courir le monde, il fallut bien doter d'un certain confortable les véhicules destinés à les abriter. L'époque qui a précédé immédiatement la création des chemins de fer a marqué, pour les grandes routes « royales », l'apogée de l'animation. Jamais tant de berlines, de chaises de poste, de diligences, ne les avaient parcourues. Le besoin de se remuer existait déjà, et la vapeur n'avait encore pu le satisfaire dans l'étonnante mesure où elle le satisfait aujourd'hui.

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     On se rappelle que l'institution de la poste se rattache étroitement aux progrès de la centralisation en France. C'est Louis XI, le sournois ennemi de la féodalité, qui trouva ce nouveau moyen de rendre l'autorité royale plus présente dans toutes les parties du royaume. Pendant longtemps, on le sait, les particuliers ne purent user des relais royaux, et c'est seulement à la longue que la chaise de poste devint le moyen de transport des voyageurs privilégiés. Pour les gens moins cossus, il y avait la diligence, la fameuse diligence, si poétique aujourd'hui qu'elle n'existe plus ou presque plus. On faisait d'un voyage une affaire d'État, on retenait ses places à l'avance, on se liait pour plusieurs jours avec ses compagnons de route, on racontait ou l'on écoutait des histoires ; le conducteur chantait ou plaisantait ; aux montées, on descendait pour se dérouiller les jambes, et, pendant que l'attelage « suait, soufflait, était rendu », on montait à petits pas en regardant le paysage. Voilà pour les voyages. Dans les villes, pour la promenade ou les courses modérées, on avait le carrosse. Le carrosse était, bien entendu, un objet rare, et n'en avait pas qui voulait. De plus, le carrosse ne passait pas non plus où il voulait, vu l'étroitesse des rues, et nous avons vu que bien des personnes « de qualité » préféraient aller dans leur « chaise ». Aujourd'hui que Paris et nos grandes villes couvrent une surface immense, le besoin de se déplacer rapidement s'est développé pour ainsi dire à l'infini. Le carrosse prend une foule de noms : coupé, landau, Victoria, calèche, phaéton, tilbury, etc. Une variété s'est démocratisée et a donné le fiacre. Que dire du fiacre, contre lequel tant de publicistes ont vainement pesté, sinon que, malgré tous les griefs que nous avons contre ces boites roulantes, nous n'avons pas encore appris le moyen de nous passer d'elles? C'est de quoi triomphent et triompheront longtemps nos goguenards automédons. Le fiacre est le luxe du pauvre. Le modeste bourgeois qui s'en sert s'accuse de prodigalité. Le riche, dans le même cas, se fait traiter de pingre. Comme quoi les mêmes causes produisent des effets différents. Lorsque Cousin fut nommé ministre de l'Instruction publique, il arriva au ministère en fiacre. La France entière en jasa et les historiens n'ont pas fini d'en jaser. Le fiacre joue un rôle important dans les affaires. Le commerce lui doit sa reconnaissance. Sans lui, bien des affaires ne se concluraient pas, et bien d'autres se concluraient trop tard. Le fiacre développe également la sociabilité en favorisant l'habitude des visites. Deux parents domiciliés aux deux bouts de Paris ne se verraient peut-être plus, s'il n'y avait pas de fiacres. Il y a des fiacres, donc ils se voient. Leur parenté, grâce au véhicule, se resserre d'un cran. Ils ne sont plus des parents « éloignés ». Mais nous avons vu que le fiacre, s'il ne ruine pas les Victor Cousin, n'est pas à la portée de toutes les bourses.

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    Pourtant, les petites gens ont besoin de se déplacer, eux aussi, et l'enceinte de nos villes s'élargit toujours. Il y avait donc quelque chose à faire « pour le peuple ». C'est pourquoi Pascal, un autre philosophe, a inventé l'omnibus. L'omnibus, c'est la démocratie, c'est le progrès, c'est le triomphe de l'organisation des transports, adaptée au besoin d'égalité qui nous dévore. Seul, l'indigent proprement dit ne peut se payer l'omnibus, et le riche en use à l'occasion lorsqu'il trouve cela commode. Pourtant, dans l'omnibus, dans certains d'entre eux tout au moins, l'égalité n'est pas complète. Il y a deux classes. Un tel paye six sous, tel autre n'en paye que trois. Grave matière à réforme. Pourquoi n'avons-nous eu encore aucune interpellation là-dessus? Mais l'omnibus ne se contente pas de symboliser le progrès. Il fait mieux : il progresse lui-même, et voilà des années que les « carrosses à six sous » de feu Pascal se passent des services du cheval. D'autres forces entrent enjeu. Depuis deux générations, nous assistons à un spectacle unique dans l'histoire du monde, à la révolution des mœurs, des idées, des conditions économiques, due à l'apparition d'un moteur puissant, infatigable, dont les Grecs anciens eussent fait une divinité infernale : le monstre de feu, la vapeur.

     

     

    LA VAPEUR

    La vapeur a révolutionné l'industrie. Elle a bouleversé les transports. La vapeur a produit, depuis à peine un peu plus d'un demi-siècle, ce résultat merveilleux de rendre possible en quelques heures des trajets qui jadis demandaient de longs jours. Le chemin de fer cueille un homme chez lui, pour ainsi dire, éveillé ou endormi, n'importe, et, au bout d'une demi-journée, sans que cet homme ait eu besoin de se préoccuper de la nature du sol, il se trouve qu'il a franchi des plaines, sauté des fleuves, transpercé des montagnes, traversé des pays qui formaient jadis des Etats distincts, ennemis, dont les armées, pour s'avancer les unes au-devant des autres, mettaient des semaines ou des mois.  Par-là, le chemin de fer a fait sortir de leur immobilité une foule de gens qui jusqu'alors n'avaient pas l'humeur voyageuse. Il a créé des besoins de remuement, déterminé des expansions de races, facilité des initiatives aventureuses, aggloméré dans les grands centres la population des provinces, répandu dans la province les idées et les mœurs des grands centres. Le chemin de fer est le grand niveleur. C'est ce que déplorent tous les amis des vieilles traditions, des vieux dialectes, des vieux usages, des vieux costumes. Mais peut-être, comme tant d'autres choses, a-t-il les défauts de ses qualités, et offre-t-il des ressources à la propagande du bien comme à celle du mal, au patronage éclairé des campagnes comme à la désertion des agriculteurs.

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    Le chemin de fer a diminué la poésie des voyages. On passe trop vite, et on voit trop mal. On ne se rend pas compte des distances que l'on franchit. On se trouve avoir parcouru dix fois la France, et l'on ne connaît que quelques sites, en les embrouillant dans son souvenir. On ne soupçonne pas tout le pittoresque des régions que l'on traverse, et que nos aïeux, de leurs diligences, savouraient jadis à loisir. Des poteaux de télégraphe, des disques, des signaux, des poteaux-réclames, des gares toutes semblables, des tunnels qui vous plongent brutalement dans l'obscurité au moment où vous essayez d'admirer le profil d'une fuyante colline : voilà le côté prosaïque de ce mode de déplacement. Mais les ingénieurs n'ont cure de ces vétilles sentimentales, les laissent soupirer les poètes, et, pour eux, redoublant d'activité, les voilà qui sont en train de lancer leurs locomotives à travers l'Asie, de les faire pénétrer au cœur de l'Afrique, et de resserrer partout les mailles du rigide réseau de fer qui emprisonne le globe.

     

    CYCLISME ET AUTOMOBILISME

    Le défaut des chemins de fer, c'est d'être emprisonnés par des rails. C'est donc un mode de locomotion qui manque de souplesse. De plus, pour que cette formidable mécanique fasse ses frais, il est nécessaire qu'elle transporte les gens par masses. Ces deux inconvénients tendent à assurer l'avenir du cyclisme et de l'automobilisme, dont notre fin de siècle contemple avec stupeur l'essor endiablé. Si le chemin de fer est centralisateur de sa nature, on peut dire, au contraire, que la bicyclette et l'automobile sont essentiellement décentralisatrices. Ces appareils sont généralement acquis par des gens habitant des villes, mais, sitôt qu'ils en sont possesseurs, où peuvent-ils aller se promener? Dans la campagne. Et nos routes désertes, grâce à ces deux sports, commencent à reprendre une nouvelle vie. Le type de l'auberge, qui déclinait, se relève soudain. Il est question de créer dans les villages des auberges modernes, pourvues de tout le confort que présentent les grands hôtels. Des localités rurales vivent du passage des cyclistes. En revanche, certaines industries, à ce que l'on assure, périclitent par suite de cette évolution des goûts. On lit moins, et les libraires gémissent de voir leurs boutiques moins achalandées que jadis. On prétend même que les couturières et les bijoutiers ont à se plaindre, à certains endroits, du tort causé à leur commerce par la fascination universelle des sports masculins. Mais cette assertion mériterait un certain contrôle. Que ces dames se passionnent pour le cyclisme, c'est un fait. Qu'elles cessent pour cela de se passionner pour la toilette, c'est ce qu'il faudrait démontrer. En attendant, des sociologues éminents voient dans l'entraînement de la jeunesse d'aujourd'hui vers la bicyclette et l'automobile un symptôme heureux. Ces sports développent la force physique, laquelle commençait à manquer à notre race au moins autant que la force morale. Avec ces précieux exercices, il sera peut-être plus, facile d'obtenir désormais, selon le vœu du poète, des âmes saines dans des corps sains.

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    SUR MER

    Tandis que le teuf-teuf sillonne la terre, des panaches de fumée, de plus en plus nombreux, se déroulent sur toutes les mers. La vapeur, là aussi, a détrôné le vent, bien que le vent soit gratuit et que la vapeur coûte cher à produire. C'est que le vent est capricieux, au lieu que la vapeur est docile,  symbole des triomphes que la régularité, un peu partout dans ce monde, remporte et remportera toujours sur la fantaisie. Sur mer comme sur terre, les voyages sont devenus rapides; on va vite, et l'on cherche à aller plus vite, trop vite, comme le prouvent de lugubres catastrophes. Ainsi que pour les transports terrestres, la substitution de la vapeur aux forces employées précédemment a eu pour résultat de dépoétiser le véhicule transporteur. C'était si beau, un voilier chargé de toutes ses voiles ! Mais un voilier mettait parfois plusieurs mois à atteindre l'Amérique, et nos modernes paquebots l'atteignent maintenant en six jours. Quel que soit le propulseur employé, le navire a, comme moyen de transport, une particularité sociale importante, quoique peu remarquée. Il ne transforme pas les gens qu'il transporte. Il les dépose au rivage d'arrivée tels qu'ils étaient au rivage de départ, ce qui explique la grande ressemblance de certaines populations séparées par la mer, alors que des différences fondamentales distinguent des populations plus rapprochées, uniquement séparées par une chaîne de montagnes. « Il eut le cœur bardé d'un triple airain, s'écrie Horace, celui qui le premier confia un esquif à la mer, et réunit des rivages que la divinité avait voulu séparer par la mer. » Horace s'est trompé. La mer n'a pas été créée pour

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    LES MOYENS DE DEPLACEMENT : séparer, mais pour unir. La mer, c'est le chemin par excellence, le chemin qui offre des dangers, mais qui n'offre pas d'obstacles; le chemin large, immense, permettant de prendre toutes les directions, et aussi, au point de vue de la force employée au transport, nécessitant le moins de frais, puisque un véhicule terrestre est un objet qui frotte, au lieu qu'un véhicule marin est un objet qui glisse. Or, le glissement est plus doux que le frottement. L'homme parviendra-t-il à faire aussi des airs une route, à y diriger, soit des aérostats, soit les aviateurs, soit d'autres engins dont nous n'avons pas l'idée? C'est le secret de Dieu, et nous ne pouvons trouver mauvais, nous, que la Providence a comblés de tant de nouveautés curieuses, qu'elle tienne en réserve quelques surprises pour les curiosités de l'avenir.  Mais toutes ces considérations sur les voyages humains ne doivent pas nous faire  perdre de vue le suprême et terrible voyage, celui que tous accomplissent vers l'éternité, sans qu'ils s'aperçoivent ni du frottement, ni du glissement de leur véhicule, et auquel un pieux penseur moderne appliquait cette saisissante formule, imitée de la langue des indicateurs de chemins de fer : « Départ, à toute heure ; arrivée, quand il plaît à Dieu.   
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    Le Mois littéraire et pittoresque. 1899-1917.                                                                                 

                                                           G. D'AZAMBUJA


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