Eklablog Tous les blogs Top blogs Littérature, BD & Poésie
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU

LA ROUTE AUTREFOIS ENTRE ROANNE (Loire) ET LYON (Rhône)

Publicité

FACTEURS ET BICYCLETTES



 FACTEURS ET BICYCLETTES<o:p></o:p>

M. Lebon, ministre du Commerce, de l'Industrie et des Télégraphes, est un jeune de beaucoup d'initiative qui ne manque pas de coup d'œil, quoique l’on puisse dire ; aussi vient-il de prendre, sur la proposition de M. de Selves, directeur général des Postes et Télégraphes, une excel­lente mesure qui sera appréciée de tout le monde : les petits télégraphistes, à Paris, vont être munis de bicy­clettes. Aussi les malheureuses dépêches, les petits bleus, comme l’on dit, ne vont plus mettre trois heures, espé­rons-le, pour arriver à destination, tandis que généralement on pourrait porter une dépêche soi-même à pied en une demi-heure.

C'est donc un progrès et un progrès sérieux dont nous ne saurions trop remercier l'intelligent Ministre du Commerce.

C'est bien, sans doute, mais ce n'est point suffisant, et il convient de ne pas s'arrêter en si bon chemin. II faut accomplir la réforme tout entière, autrement dit il faut s'empresser de donner des bicyclettes à tous les facteurs ruraux de toute la France et... de toutes les colonies, par­tout où les routes le permettent.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

Que l’on ne vienne pas nous objecter la dépense; il ne serait pas difficile d'en faire supporter tout le poids aux facteurs ruraux eux-mêmes, en les remboursant par men­sualité, comme on le fait pour les petits bicyclistes du télégraphe à Paris.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

Ou plutôt il ne serait pas difficile de s'entendre avec une des premières maisons de fabrication française, pour obtenir un trentaine de mille de bicyclettes à crédit, dont les paiements seraient échelonnés et de la sorte la charge pour les facteurs ruraux aussi bien que pour le Trésor deviendrait insignifiante, par cela même qu'elle pourrait être facilement répartie sur une assez longue période de temps. Il n'est pas de maison qui ne consenti­rait à un arrangement de cette sorte, étant absolument certaine d'être payée.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

Mettons qu'il y ait 38.000 communes en France, en retranchant les villes et les communes très petites, très agglomérées, je suis persuadé que l'on pourrait à peu près pourvoir intégralement tous les facteurs ruraux de France avec 30.000 bicyclettes, peut-être moins.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

Et voyez du coup les avantages : les lettres, la corres­pondance arrivent beaucoup plus vite à destination, et, chose qui n'est pas à dédaigner, les facteurs ruraux, ces modestes mais dévoués fonctionnaires sont, du même coup, moitié moins retenus dans la journée, et  point capital , moitié moins fatigués.

Ils ne pourront pas aller de porte en porte avec leur machine, me dira-t-on. Parfaitement, c'est entendu, et je le sais, mais on n'ignore pas qu'ils doivent aller à la ville voisine, au chef-lieu de canton en général, au bureau de poste en un mot, chercher leur correspondance et que,pour retourner dans leur village, ils ont souvent un trajet considérable à effectuer.<o:p></o:p>

C'est ce trajet aller et retour qu'ils pourront faire en bicyclette et il leur sera toujours facile de la remiser le matin dans une maison à l'entrée du village et de la reprendre le soir ou le lendemain matin, suivant les besoins du service.

Mais ce n'est pas tout, il y a des masses de facteurs ruraux qui ont une course énorme à faire pour porter une lettre dans une ferme isolée et qui même doivent faire plusieurs lieues tous les jours pour porter un journal dans un château perdu au milieu des bois ; c'est là où la bicy­clette doit intervenir et rendre d'immenses services aux pauvres facteurs champêtres, et cela d'autant plus facile­ment que, fort heureusement, nous avons partout en France d'excellentes routes, incapables de faire le moindre accroc aux pneumatiques les plus délicats, en général.

Et si j'insiste si particulièrement et si énergiquement sur l'impérieuse nécessité de donner des bicyclettes à tous les facteurs ruraux, c'est que je crois que l'heure est venue de réaliser cet immense progrès.

Moi, le petit neveu de l'un des premiers inventeurs des vélocipèdes au commencement de ce siècle/ il y a déjà longues années que je songeais à demander cela, mais devant les perfectionnements de chaque jour et les progrès incessants de la bicyclette, je pensais qu'il était peut-être plus sage d'attendre.

Aujourd'hui tous les perfectionnements, à peu près, ont été apportés aux machines et l'on se trouve en face d'instruments très solides, très légers et relativement très bon marché.

Je me garde bien de citer le nom d'une maison, mais j'ai la conviction que le gouvernement pourrait réaliser très facilement cette grosse commande de 30.000 bicy­clettes au mieux de ses intérêts et pour la plus grande satisfaction de tous, puisque le public aurait sa correspon­dance beaucoup plus vite, non seulement à cause de la distribution, mais à cause du prompt retour aux bureaux de poste et aux gares de départ, et puisque les facteurs ruraux seraient enchantés de trouver dans l'emploi de la bicyclette une grande économie de temps et de fatigue.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

Naturellement, le Gouvernement français ne devrait accepter comme soumissionnaires que des industriels constructeurs français ne se servant que de pièces inté­gralement fabriquées en France !<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

Voilà le vœu de tous les facteurs, de toutes les popula­tions de la France entière, et je suis heureux d'attirer sur lui la bienveillante attention du jeune ministre du com­merce, persuadé qu'il voudra bien écouter la voix d'un vieil économiste qui a la prétention de rester toujours pratique et qui, dans l'espèce, n'est que le porte-parole de tous ses concitoyens.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

L’auteur de la fin du XIX° siècle de cet article nous est inconnu. Ses propos sont sages et plutôt humanistes mais hélas l’Administration Postale ne raisonne pas comme lui.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

Les facteurs ruraux  vont être munis de bicyclettes oui mais !<o:p></o:p>

·        De nombreuses tournées vont disparaître (Avec un vélo on peut faire la valeur de deux ou trois tournées  pédestres.)<o:p></o:p>

·        Tournées plus longues (aucun bénéfice de temps pour le facteur, plus de fatigue sur les tournées accidentées)<o:p></o:p>

·        Aller plus loin veut dire que le courrier sera distribué plus vite en début de « tournée », mais bien plus tard en fin (et on reprochera au facteur de ne pas pédaler assez fort, « il n’est pas là pour faire du tourisme, quand même ! »)<o:p></o:p>

·        Pendant plus d’un siècle tous les facteurs cyclistes de France vont rouler avec des bicyclettes inadaptées à la distribution postale ; on se contente juste de rajouter sur un vélo « normal » (qui arrivera bien longtemps après votre entrée dans l’Administration, en attendant il faudra vous trouver un vélo dans l’environnement familial) un porte bagage à l’avant (que vous devrez installer vous-même) et deux sacoches à l’arrière. Les premières bicyclettes jaunes adaptées avec une béquille doivent dater de 1995.<o:p></o:p>

Nota : dans certaines tournées rurales, les mauvais chemins amènent de nombreuses crevaisons (surtout à l’arrière). Une des deux sacoches fournies renfermera en permanence, des clefs pour démonter les roues, des chiffons pour s’essuyer les mains, une chambre à air neuve de rechange dans son emballage, celle crevée sera réparée à la maison, une pompe (petite) à ne surtout pas laisser sur le cadre du vélo (elle y reste en générale moins de 24 heures), un imperméable (désagréable les orages en pleine campagne le matin) une casquette contre les petites pluies fines, et éventuellement une paire de pédales (le pas de vis n’est pas le même pour la gauche que pour la droite.) ; l’hiver il ne faut pas oublier une paire de gants. Parfois un bâton blanc (non fourni par l’administration) de policier est bien pratique (mais déconseillé par la S.P.A.) contre une éventuelle agression de chien, qui vont de toute façon aboyer toute la matinée le long de votre parcourt. Attention en glissant une missive, sans descendre de votre vélo, dans une boîte aux lettres assez basse sur un mur surmonté  de barreaux ; que votre nez ne passe pas entre deux ; car c’est juste à cet instant là qu’un chien silencieux, que vous n’avez pas repéré va essayer traîtreusement de le mordre.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

Alors lecteur si demain vous rencontrez votre facteur (ou votre factrice) penser à lui faire un petit sourire.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p>

Publicité
Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article