•  Pages extraites de l'ouvrage : LES TRANSPORTS
    de Paul Vibert 1897


    LES FACTEURS A BICYCLETTE I

    NÉCESSITÉ   DE   MONTER  TOUS LES FACTEURS  —  ÉCONOMIE DE TEMPS ET D'HOMMES — LES VOEUX DES POPULATIONS

    M. Lebon, ministre du Commerce, de l'Industrie et des Télégraphes, (i) est un jeune de beaucoup d'initiative qui ne manque pas de coup d'œil, quoi que Ton puisse dire ; aussi vient-il de prendre, sur la proposition de M. de Selves, directeur général des Postes et Télégraphes, une excel­lente mesure qui sera appréciée de tout le monde : les petits télégraphistes, à Paris, vont être munis de bicy­clettes. Aussi les malheureuses dépêches, les petits bleus, comme Ton dit, ne vont plus mettre trois heures, espé­rons-le, pour arriver à destination, tandis que généralement on pourrait porter une dépêche soi-même à pied en une demi-heure.

    C'est donc un progrès et un progrès sérieux dont nous ne saurions trop remercier l'intelligent Ministre du Commerce.

    C'e3t bien, sans doute, mais ce n'est point suffisant, et il convient de ne pas s'arrêter en si bon chemin. II faut accomplir la réforme tout entière, autrement dit il faut s'empresser de donner des bicyclettes à tous les facteurs

    (I) Depuis U «.passé au Ministère des Colonies, tant û est vrai que les hommes politiques sont aptes à tout, par grâce. d'Etat I



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    ruraux de toute <st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName> et... de toutes les colonies, par­tout où les routes le permettent.

    Que Ton ne vienne pas nous objecter la dépense; il ne serait pas difficile d'en faire supporter tout le poids aux facteurs ruraux eux-mêmes, en les remboursant par men­sualité, comme on le fait pour les petits bicyclistes du télégraphe à Paris.

    Ou plutôt il ne serait pas difficile de s'entendre avec une des premières maisons de fabrication française, pour obtenir un trentaine de mille de bicyclettes à crédit, dont les paîments seraient échelonnés — et de la sorte la charge pour les facteurs ruraux aussi bien que pour le Trésor deviendrait insignifiante, par cela môme qu'elle pourrait être facilement répartie sur une assez longue période de temps. Il n'est pas de maison qui ne consenti­rait à un arrangement de cette sorte, étant absolument certaine d'être payée.

    Mettons qu'il y ait 38.000 communes en France, en retranchant les villes et les communes très petites, très agglomérées, je suis persuadé que l'on pourrait à peu près pourvoir intégralement tous les facteurs ruraux de France avec 30.000 bicyclettes, peut-être moins.

    Et voyez du coup les avantages : les lettres, la corres­pondance arrivent beaucoup plus vite & destination, et, chose qui n'est pas à dédaigner, les facteurs ruraux, ces modestes mais dévoués fonctionnaires sont, du même coup, moitié moins retenus dans la journée, et — point capital — moitié moins fatigués.

    Ils ne pourront pas aller de porte en porte avec leur machine, me dira-t-on. Parfaitement. C'est entendu, et jo le sais, mais on n'ignore pas qu'ils doivent aller & la ville voisine, au chef-lieu de canton en général, au bureau de poste en un mot, chercher leur correspondance et que,







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    pour retourner dans leur village, ils ont souvent un trajet considérable à effectuer.

    C'est ce trajet aller et retour qu'ils pourront faire en bicyclette et il leur sera toujours facile de la remiser le matin dans une maison à l'entrée du village et de la reprendre le soir ou le lendemain matin, suivant les besoins du service.

    Mais ce n'est pas tout, il y a des masses de facteurs ruraux qui ont une course énorme à faire pour porter une lettre dans une ferme isolée et qui môme doivent faire plusieurs lieues tous les jours pour porter un journal dans un château perdu au milieu des bois ; c'est là où la bicy­clette doit intervenir et rendre d'immenses services aux pauvres facteurs champêtres, et cela d'autant plus facile­ment que, fort heureusement, nous avons partout en France d'excellentes routes, incapables de faire le moindre accroc aux pneumatiques les plus délicats — en général.

    Et si j'insiste si particulièrement et si énergiquement sur l'impérieuse nécessité de donner des bicyclettes à tous les facteurs ruraux, c'est que je crois que l'heure est venue de réaliser cet immense progrès.

    Moi, le petit neveu de l'un des premiers inventeurs des vélocipèdes au commencement de ce siècle/ il y a déjà longues années que je songeais à demander cela, mais devant les perfectionnements de chaque jour et les progrès incessants de la bicyclette, je pensais qu'il était peut-être plus sage d'attendre.

    Aujourd'hui tous les perfectionnements, ou à peu près, ont été apportés aux machines et l'on se trouve en face d'instruments très solides, très légers et relativement très bon marché.

    Je me garde bien de citer le nom d'une maison, mais j'ai la conviction que le gouvernement pourrait réaliser


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    très facilement cette grosse commande de 30.000 bicy­clettes au mieux de ses intérêts et pour la plus grande satisfaction de tous, puisque le public aurait sa correspon­dance beaucoup plus vite, non seulement à cause de la distribution, mais à cause du prompt retour aux bureaux de poste et aux gares de départ, et puisque les facteurs ruraux seraient enchantés de trouver dans l'emploi de la bicyclette une grande économie de temps et de fatigue.

    Naturellement, le Gouvernement français ne devrait accepter comme soumissionnaires que des industriels-constructeurs français ne se servant que de pièces inté­gralement fabriquées en France !

    Voilà le vœu de tous les facteurs, de toutes les popula­tions de <st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName> entière, et je suis heureux d'attirer sur lui la bienveillante attention du jeune ministre du com­merce, persuadé qu'il voudra bien écouter la voix d'un vieil économiste qui a la prétention de rester toujours pratique et qui, dans l'espèce, n'est que le porte-parole de tous ses concitoyens.<o:p></o:p>

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    TARARE

    Parmi toutes les petites cités textiles de la montagne beaujolaise,. vassales de Lyon ou de Roanne, Tarare tient une place originale et reste, à mi-chemin des deux puissants foyers industriels, un centre autonome qui doit à la fabrication de la mousseline sa fortune et son indépendance. Du col des Sauvages, on découvre, comme à vol d'oiseau, tapie an fond de la vallée, la petite ville et son paysage d'usines, hérissé de hautes cheminées. Dans cet amas de bâtisses neuves, où l'oeil cherche en vain un souvenir du passé, un axe se dessine, au long duquel les maisons s'alignent et s'ordonnent : une percée, large et rectiligne, traverse la ville de part en part ; c'est la route nationale de Paris à Antibes, l'antique voie du Bourbonnais, aujourd'hui presque déserte, mais qui fut, durant des siècles, «un des plus grands passages du royaume». Tarare est née de ce passage. Ce fut d'abord un gîte d'étapes, et le paysage urbain, rajeuni par l'usine, garde encore, comme une empreinte fossile, le tracé de la route morte. La route et l'industrie, ces deux traits essentiels de la physionomie de la ville, révèlent deux genres de vie successifs et fixent le cadre de cette étude.

    I. — <st1:PersonName productid="LA ROUTE" w:st="on">La  route</st1:PersonName>

    Dans un cadre étroit de montagnes, avec des ressources limitées par la nature même, une petite communauté agricole trouvait tout juste place, sans grand espoir d'avenir. C'est à la grand ‘route qui empruntait la vallée de <st1:PersonName productid="la Turdine" w:st="on">la Turdine</st1:PersonName> que Tarare doit d'être devenue une ville.

    Les monts du Beaujolais et du Lyonnais séparent deux grands axes de circulation : les deux vallées de <st1:PersonName productid="la Sa￴ne" w:st="on">la Saône</st1:PersonName> et de <st1:PersonName productid="la Loire. Les" w:st="on">la Loire. Les</st1:PersonName> passages ne manquent pas à travers la montagne ; mais les chaînes beaujolaises opposent à la circulation transversale leurs alignements N-S. Au Sud, au contraire, les anciens synclinaux approfondis par le Gier et <st1:PersonName productid="la Br←venne" w:st="on">la Brévenne</st1:PersonName> ouvrent des couloirs profonds et faciles sur la plaine du Forez ; mais ce bassin, fermé au Nord par l'étranglement de Pinay, est un véritable cul-de-sac ; animé un instant par la grande voie stratégique que les Romains avaient lancée sur l'Auvergne, le Forez tombe bientôt, en même temps que la voie d'Aquitaine, dans une décadence profonde, et les beaux passages naturels qui y conduisent sont délaissés jusqu'au xixe siècle. C'est au centre, au contact des monts du Beaujolais et des monts du Lyonnais, que s'ouvre le passage<o:p></o:p>



    le plus commode. A cet endroit, l'effondrement de tout un compartiment de montagne dessine un golfe transversal dont Tarare marque l'extrême pointe et qui détermine la direction des rivières ; sapé par les cours d'eau, le massif se trouve réduit à une mince ligne de crêtes que le col des Sauvages (<st1:metricconverter productid="764 m" w:st="on">764 m</st1:metricconverter>.) permet de franchir en quelques heures. C'est par ce passage, frayé depuis l'époque préhistorique, que fut établie la voie romaine de <st1:PersonName productid="la Turdine" w:st="on">la Turdine</st1:PersonName>, reliant en ligne droite les ports de Lugdunum et de Rodumna. Voie secondaire, elle ne tarda pas à se révéler comme le plus pratique des chemins, et elle supplanta bientôt la voie d'Aquitaine ; au moyen âge, on l'appelle la « Grande voie française». Dès le XIe siècle, le village de Taratrum apparaît, et son prieuré fortifié garde une des voies les plus fréquentées de France.

    Le village occupe, sur la grand ‘route, une position de choix. A Tarare finit la vallée riante et peuplée et commence la gorge. Aux flancs des versants plus abrupts, plaqués çà et là de forêts sombres, la vigne meurt, les cultures disparaissent. Les villages se réfugient à 700-<st1:metricconverter productid="800 m" w:st="on">800 m</st1:metricconverter>. d'altitude, sur les hautes surfaces ensoleillées, que les longs enneigements, un printemps tardif, un sol médiocre rendent d'ailleurs assez pauvres. La route, après avoir cheminé au fond de la vallée, désormais solitaire, s'élève en lacets au-dessus de <st1:PersonName productid="la Turdine" w:st="on">la Turdine</st1:PersonName> et s'engage dans une côte longue de <st1:metricconverter productid="7 km" w:st="on">7 km</st1:metricconverter>. Encore la route actuelle est-elle aisée ; mais la voie romaine et la route royale abordaient l'obstacle de front et s'élevaient toutes droites jusqu'au col par des pentes vertigineuses. On comprend maintenant l'avantage de la position de Tarare : avant d'aborder la rude côte où il n'ose se risquer de nuit, le voyageur ou le roulier laisse reposer les bêtes et ne gravira la «montagne» qu'à l'aube, grâce au renfort que leur apportent les bœufs ou les chevaux du village. En un mot, la position de Tarare est celle d'un gîte obligatoire d'étapes, c'est un poste « de pied de col». La position présente un autre avantage : de Tarare à Lyon la circulation est aisée ; à cheval, on peut accomplir l'aller et le retour en une seule journée ; d'autre part, la petite ville est en contact étroit avec les gros villages des hauteurs qu'un sol ingrat ne suffit pas à nourrir. Entre Lyon et la montagne, Tarare est l'intermédiaire obligé ; le fait est capital ; l'industrie naîtra de ce double contact : de Lyon viendra l’inspiration ; la montagne fournira la main-d'œuvre.

    Aussi, très variées et très précieuses sont les ressources que les gens du lieu tirent de la voie de passage, qu'ils soient forgerons, charrons, bourreliers ou maréchaux-ferrants, rouliers, bouviers, aubergistes, marchands1. Dès le XVIe siècle, les maisons du bourg, hôtelleries, remises, ateliers, font à la route une interminable escorte

    l. H. FOrest, Le Prieuré de Tarare, 1897.

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    Au cours du XVe et du XVIème siècle, tout le trafic du Rhône à <st1:PersonName productid="la Loire" w:st="on">la Loire</st1:PersonName> a fini par se concentrer sur la route du Bourbonnais qui passe par Tarare. Le percement du canal de Briare (1605), l'établissement de coches d'eau de Roanne à Nantes et à Paris (1681-1691) et du premier carrosse public de Lyon à Roanne (1686) déterminent un nouvel essor. Dès cette époque, Lyon pour ses taffetas et ses balles de soie, <st1:PersonName productid="la Provence" w:st="on">la Provence</st1:PersonName> pour ses huiles et ses vins n'ont pas d'autre débouché que <st1:PersonName productid="la Loire" w:st="on">la Loire</st1:PersonName> vers le Bassin Parisien et l'Europe du Nord-Ouest. Depuis longtemps, enfin, la route du Bourbonnais draine tout le trafic vers l'Auvergne et le Limousin, Bordeaux et <st1:PersonName productid="la Saintonge" w:st="on">la Saintonge</st1:PersonName>, au détriment de l'antique voie d'Aquitaine. Un embranchement se détache à Roanne et gagne Clermont ; les Intendants, renonçant à ressusciter la voie romaine du Forez, la font refaire entièrement et l'élèvent au rang de route royale (1755). Désormais, par ce chemin rajeuni, Lyon, que <st1:PersonName productid="la Bourgogne" w:st="on">la Bourgogne</st1:PersonName> et <st1:PersonName productid="la Bresse" w:st="on">la Bresse</st1:PersonName> ne suffisent plus à nourrir, fait venir de <st1:PersonName productid="la Limagne" w:st="on">la Limagne</st1:PersonName> de lourds chargements de blé1. Déjà, tous les vins du Midi passent par Tarare ; les vins du Beaujolais n'ont pas tardé à prendre le même chemin2 : depuis 1690, le Beaujolais a entrepris d'exporter sa récolte vers Paris, par <st1:PersonName productid="la Loire" w:st="on">la Loire</st1:PersonName> ; mais, de Beaujeu à Pouilly, le port le plus proche, il n'existe, à travers des chaînes mal orientées, qu'un mauvais chemin muletier ; bon gré, mal gré, il faut acheminer les fragiles cargaisons par <st1:PersonName productid="la Sa￴ne" w:st="on">la Saône</st1:PersonName> d'abord, jusqu'à Anse ou Pierre-Bénite, puis vers Roanne, par la route du Bourbonnais 3 ; là, des relais sont établis, où les voitures dételées attendent que des bouviers les viennent prendre ; les paysans de Tarare y sont fort assidus. Ainsi le transport des marchandises lourdes — blés et vins — fait du roulage une industrie prospère et dont les profits — tous les Intendants le déplorent — détournent le paysan du travail de la terre.

    Le trafic des voyageurs est aussi intense que celui des marchandises ; au cours du XVème siècle, les entreprises de transports en commun se multiplient4; les voyageurs entre Lyon et Paris préfèrent à la route de Bourgogne la route du Bourbonnais, qui connaît bientôt une extraordinaire vogue ; pourtant cette voie oppose au trafic de singulières difficultés dans la traversée de la montagne. Cette rampe

    1.       Lettre du duc d'Harcourt à Trudaine, Arch. dép. du Rhône, C 71.<o:p></o:p>

    2.   Jean Fayard, Les vins du Beaujolais au XVIIIe siècle [Revue d'histoire de Lyon, 1902, III et IV).<o:p></o:p>

    3.   A défaut de chiffres, cet extrait d'un rapport de Bussi.n, inspecteur des manufac­tures, témoigne de l'importance de ce trafic. « Nous voiturons une quantité considé­rable de vins de notre territoire et du Maçonnais jusqu'à <st1:PersonName productid="la Loire. On" w:st="on">la Loire. On</st1:PersonName> va prendre ;'i Tarare pour conduire à Saint-Symphorien et même jusqu'à Roanne une quantité immense de vins des bords du Rhône et du Languedoc ainsi que des marchandise» d'épicerie de toute espèce qui, par le moyen de <st1:PersonName productid="la Loire" w:st="on">la Loire</st1:PersonName>, se distribuent d'une extrémité de <st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName> à l'autre.<o:p></o:p>

    4.   En 1711, 3 voitures publiques par semaine dans chaque sens, 4 en 1760, 6 en 178fi, 14 en  1803.<o:p></o:p>

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    vertigineuse1 rebutait les maîtres de poste, auxquels il avait fallu allouer une indemnité spéciale ; tous les ans, le compte est gros des chevaux abattus dans la côte ; les accidents de voiture ne sont pas rares, sans parler des attentats ; la neige, enfin, intercepte parfois le trafic pendant plusieurs semaines. Aussi la «montagne» de Tarare est-elle fameuse dans toute <st1:PersonName productid="la France" w:st="on">la France</st1:PersonName> : « on m'a tantôt dit tant d'hor­reurs de la montagne de Tarare que je la hais, écrit Mme de Sévigné ; il y a des chemins où la roue est en l'air et où l'on tient le carrosse par l'impériale» ; les carnets de route lui consacrent des descriptions à la fois enthousiastes et terrifiantes.

    Tarare fait argent de toutes ces difficultés* : la redoutable côte devient une source de revenus. Le passage des grands personnages est pour la ville une aubaine : en 1720, la princesse Charlotte, fille du Régent, couche à Tarare, et le bourg est à peine assez grand pour loger les 400 hommes de son escorte et leurs 600 chevaux ! A cette date, en effet, Tarare ne compte encore que 1 150 hab. La population s'accroît au cours du XVIe siècle, pour atteindre 2 970 hab. en 1789, et l'antique gîte d'étapes, où réside un subdélégué de l'intendant, prend figure de chef-lieu. A la vérité, ce n'est encore qu'un gros bourg dont la grand ‘route forme l'artère principale, nommée « Rue des Albergeries» tant sont nombreuses les auberges qui se pressent sur son parcours.

    Le long de cette interminable voie, à côté des hôtelleries, des écuries et des remises percées d'immenses portes cochères, des boutiques et des tavernes, tous les artisans qui vivent de la voie de passage, bourreliers, selliers, charrons, forgerons, maréchaux-ferrants, multiplient leurs ateliers et leurs échoppes, dont l'animation bruyante se mêle à l'incessant va-et-vient de la grand’ route. Le long de la route d'Amplepuis s'allonge, perpendiculaire au premier, un faubourg analogue. Hors de ces deux axes, on ne trouve, entre maisons et jardins, que tortueuses et calmes ruelles qu'anime seulement le battement des métiers au fond des sombres «boutiques». Sur les rives des deux ruisseaux encore en liberté, au milieu des arbres, d'antiques tanneries, des blanchisseries, quelques moulins ; au delà, de grands prés verts où les toiles blanchissent.

    A partir de 1770, la route de Bourgogne, restaurée par les soins de Trudaine, devient pour la route du Bourbonnais une redoutable rivale. A la même date, l'ouverture d'un chemin carrossable de Belleville à Pouilly détourne de Tarare les vins du Beaujolais, qui gagnent directement <st1:PersonName productid="la Loire. Enfin" w:st="on">la Loire. Enfin</st1:PersonName> l'inauguration du canal du Charolais (1791), qui ouvre à la batellerie rhodanienne l'accès du Bassin Pari­sien, porte au roulage un coup mortel : à leur tour, les industries de

    1. La pente atteint 25 p. 100.

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    la «montagne» périclitent : l'établissement d'un nouveau tracé qui, par la vallée de <st1:PersonName productid="la Turdine" w:st="on">la Turdine</st1:PersonName>, s'élève sans peine jusqu'au col, rend inutile le renfort ; désormais les « fourgons accélérés » et, les diligences rapides peuvent voyager de nuit ; la berline des Messageries françaises, partie de Lyon à 9 h. du soir, après avoir roulé toute la nuit, traverse à l'aube la ville endormie. Tarare a perdu une autre ressource : le gîte.

    A partir de 1840, la route du Bourbonnais tombe brusquement dans une décadence profonde, parce que, depuis 1834, une ligne de chemin de fer directe unit Lyon et Roanne par Saint-Étienne et la vallée du Gier. Désormais, Tarare est isolée ; la difficulté de l'approvisionnement en houille entrave sa jeune industrie. Tarare a attendu son chemin de fer jusqu'en 1866.

    Au moment même où les ressources de la route se font plus maigres, Tarare va trouver dans l'industrie les raisons d'une prospérité nouvelle ; en moins de trente ans, le gros bourg devient une ville ; son genre de vie se transforme ; mais, à ces nouvelles occupations, Tarare était depuis longtemps préparée.

    II. — L'industrie

    Depuis longtemps, la vallée de <st1:PersonName productid="la Turdine" w:st="on">la Turdine</st1:PersonName> et Tarare dès sa naissance récoltent, filent et tissent un chanvre renommé1. Ce n'est, durant de longs siècles, qu'un art domestique : chacun fait sa toile de son chanvre, comme il fait son vin de sa vigne. Dès le xvie siècle, il n'en est plus de même : la robuste toile de ménage a trouvé des amateurs, et Lyon centralise la production de la montagne. Désormais, le tissage devient pour l'habitant une véritable ressource complémentaire. Un siècle plus tard, le chanvre du pays ne suffit plus aux tisserands ; tous les gros bourgs de la montagne, affranchis du marché lyonnais, font eux-mêmes le commerce des toiles ; Thizy, qui s'essaye déjà aux cotons grossiers, bâtit sa grande halle. Partout, à Amplepuis, à Panissières, à Chauffailles, à Villefranche, les affaires s'activent aux mains d'une bourgeoisie locale vite enrichie à ce négoce 2. Tarare a ses marchands qui l'approvisionnent en matière première et courent les foires pour lui chercher des débouchés. Les toiles de chanvre à la fois robustes et fines dont Tarare s'est fait une spécialité connaissent leur plus grande vogue au cours du xvme siècle : en 1773, 400 métiers, groupés dans le bourg ou dispersés dans la montagne, tissent le chanvre pour les négociants tararais3. Avec ses tixiers, ses teinturiers,

    1.   M. Pelosse, Le tissage rural des soieries dans le Rhône. — J. Fayard, Fileurs, tisserands et similaires de <st1:PersonName productid="la G←n←ralit←" w:st="on">la Généralité</st1:PersonName> de Lyon sous l'Ancien Régime, Mouvement écono­mique et social dans la région lyonnaise, t. I et II.<o:p></o:p>

    2.   Louvet, Histoire du Beaujolais, 1670.<o:p></o:p>

    3.   Roland d e <st1:PersonName productid="LA PLATIERE" w:st="on">la PlatiEre</st1:PersonName>, Mémoire sur les articles qui se fabriquaient en Beaujolais à la fin du X VIII' siècle, I 785.<o:p></o:p>

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    ses blanchisseurs, ses marchands, — il ne manque pas même un « filateur», — c'est tout un cycle industriel en miniature que nous restituent les registres paroissiaux de la ville1. En fait, tout cela tient encore étroitement à la vie agricole, et l'outillage demeure rustique. L'ouvrier, c'est le paysan, mais un paysan qui n'est point un rustre, dont un contact précoce avec le foyer lyonnais a délié l'esprit, stimulé l'activité et qui s'ingénie à tirer parti de toutes les ressources dont il dispose : du sol, des eaux, de la route et de ses doigts, enfin qu'une longue hérédité rend expert à manier les matières textiles. Quand vaquent les travaux des champs, la ferme se change en atelier : l'homme monte sur son métier, les femmes filent. Rien n'est plus original que ce genre de vie de la montagne beaujolaise : il plonge ses racines dans le passé2. Pour que des matières plus fines ou plus précieuses prissent sur les métiers rustiques la place du fil de chanvre, il ne fallait qu'une initiative intelligente. Lyon n'osa pas faire confiance à ces paysans ; mais il se trouva à Tarare des hommes pour tenter l'entreprise ; ils appartenaient à la bourgeoisie marchande, ils avaient l'habitude des affaires ; en rapports constants avec Lyon et les grands marchés, ils étaient aptes à prendre le vent, capables d'idées neuves, assez riches enfin pour hasarder des capitaux dans de nou­velles entreprises. Ainsi, d'une part, une main-d'œuvre abondante et experte, d'autre part, quelques hommes entreprenants, voilà les deux éléments essentiels des origines de la mousseline à Tarare.

    C'est l'époque où les compagnies coloniales jettent en abondance sur le marché une matière première dont on usait peu jusqu'ici : le coton, et de nouveaux produits : étoffes légères et bariolées d'Orient, indiennes et mousselines dont la vogue est bientôt grande. Le coton triomphe ; on s'efforce d'en établir en France la filature ; il supplante les vieux textiles nationaux, le lin et le chanvre. A partir de 1774, à Tarare comme ailleurs, la toile entre dans une période de crise ; dès 1780, les tisserands jettent un cri d'alarme pour « leur petit commerce de toilerie qui diminue journellement de prix et de con­sommation». En 1785, Tarare n'a plus que 100 métiers battants3. L'heure est critique : en face de demandes nouvelles, les antiques industries du chanvre doivent, si elles veulent survivre, rompre avec le passé et se rajeunir. Le grand mérite de Tarare est d'avoir donné, en ces circonstances, l'exemple d'un merveilleux rétablissement. Quelques autres cités du Beaujolais, Thizy et Villefranche, en cher­chant dans la filature ou les cotonnades d'autres raisons de vivre, firent preuve aussi d'élan et de jeunesse.

    1.   Communiqué aimablement par Mr E. Cherblanc.<o:p></o:p>

    2.       En 1770, on peut, évaluer la production de toiles de Tarare à 50 000 pièces.<o:p></o:p>

    3.       Les Recettes du bureau pour la marque des toiles trahissent cette décadence : 1787, 644 1.11 sols; 1783, 520 1.10 s. ; 1789,3261. 11 s. (Archives du Rhône).<o:p></o:p>

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    C'est entre 1760 et 1784 que Tarare a cherché à rénover une industrie qui se mourait.

    En 1772, un certain Andrieu fondait à Tarare la première manufacture d'indiennes ; l'idée n'était pas mauvaise : transformer en toiles peintes ces étoffes de coton grossières, mais propres à l'impression, ces futaines et ces basins que <st1:PersonName productid="la Montagne" w:st="on">la Montagne</st1:PersonName> produisait alors en grande quantité et à vil prix. Pourtant, après une période de franc succès, l'entreprise bientôt végète : les indienneurs, qui ont suivi l'exemple d'Andrieu, disparaissent un à un sans que leur industrie leur survive. Les fluctuations de la mode ne suffisent pas à expliquer leur échec ; ils ont manqué de psychologie ; la manufacture n'est point adaptée au genre de vie : l'ouvrier, resté paysan, répugne encore à la claustration de l'usine et préfère le libre travail à domicile. Les demoiselles Defrane furent plus clairvoyantes : elles imaginèrent d'occuper les loisirs des paysannes et des bergères en leur donnant à broder ; la dentelle au crochet s'applique à la mousseline, et voilà l'origine de cette industrie du rideau si prospère encore aujourd'hui. C'est Simonet1 qui eut, à coup sûr, l'idée la plus féconde, parce qu'elle s'adaptait au milieu. En 1756, il entreprit de créer de toutes pièces l'industrie de la mousseline à Tarare ; il n'ignorait rien des heureuses réalisations de <st1:PersonName productid="la Suisse" w:st="on">la Suisse</st1:PersonName>, dans ce domaine ; il alla à Saint-Gall copier les métiers, et en ramena des maîtres-mousseliniers qui eurent bientôt fait l'éducation des tisserands de Tarare. Sa seule faiblesse fut de s'obstiner à employer à la fabrication des toiles fines les filés de France, trop grossiers encore. Les premières mousselines, faites avec les cotons du Bugey. se révélèrent détestables ; alors Simonet entreprit de faire fabriquer sur place du bon fil ; ce fut bien pis encore. Finalement, le pauvre homme épuisa dans cette double tâche sa fortune et sa santé ; il mourut dans la misère.

    Cependant, pour mener à bien l'œuvre commencée, il ne fallait qu'un peu de bon sens : en 1786, Simonet le jeune, renonçant aux chimères de son oncle, fait tout bonnement venir du fil fin de Suisse. L'époque des tâtonnements était close, et les «linons» de Tarare eurent vite conquis le marché.

    En 1789, la fabrique tararienne occupe 600 métiers, en 1803. 2 000 métiers, en 1808, 4 000 métiers, en 1810, 5 000 métiers. En quelques années l'outillage a fait d'étonnants progrès ; pour le blanchiment et l'apprêt, Tarare ne veut dépendre de personne : ses établissements modernisés emploient, dès l'instant de leur découverte, les procédés au chlore et à la vapeur.

    Dès lors le gros bourg change de physionomie et devient une ville qui s'agrandit chaque jour. La population s'accroît dans de fortes

    1. H. Cotk et M. Salet, Notice sur Simonet, Lyon, 1846.

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    proportions. En 1802, Tarare n'a que 2 174 hab. ; dix ans après, le chiffre est doublé ; vingt ans après, il a triplé ; à partir de 1830, le mouvement s'accélère encore, pour atteindre en 1861 un maximum qui n'a jamais été dépassé : 13 596 hab. Dans la ville, le genre de vie s'est complètement transformé : le roulage a disparu, le tissage à domicile n'est plus le privilège que de quelques artistes. Il a bien fallu se plier aux nécessités de l'industrie moderne. Aux manufactures, qui cloîtrent quatorze heures par jour un misérable prolétariat, la main-d'œuvre afflue de la montagne. La vie agricole, réfugiée dans la banlieue, stimulée par le centre urbain, renonce à ses routines et fait de grands progrès.

    L'industrie de Tarare au cours du XIXe siècle est un travail divers, multiforme et que les chiffres sont impuissants à exprimer ; une indus-trie-Protée aussi capricieuse, aussi changeante que la mode à laquelle elle s'est vouée ; condamnée à un perpétuel renouvellement, elle est difficile à saisir.

    Le groupe textile urbain compte, en 1923, 172 établissements, parmi lesquels la statistique distingue 96 établissements consacrés au coton avec 2 908 ouvriers et 2 080 métiers, 76 établissements consacrés à la soie avec 1 642 ouvriers et 1 142 métiers, 67 établissements consacrés aux dentelles et broderies. En réalité, ces chiffres sont assez arbitraires : la distinction entre tissus de soie et tissus de coton est illusoire depuis l'introduction des étoffes mêlées ; aucun établissement, du reste, ne se consacre à une seule matière textile. La totalisation des métiers — il en existe d'innombrables modèles — est une opération suspecte ; quant au chiffre des ouvriers, il a peu de signifi­cation : d'abord la masse des ouvriers façonniers échappe à la statis­tique ; d'autre part la main-d'œuvre est sujette d'une année à {l'autre à de fortes variations selon les commandes de la fabrique, qui sont à la merci des fluctuations de la mode ; c'est là le caractère le plus sin­gulier de l'industrie tararienne : elle ne peut garantir à ses ouvriers un travail plein toute l'année. Les crises économiques d'après guerre ont encore aggravé cette disposition naturelle et déterminé d'impor­tants chômages.

    La production actuelle est très diverse ; Tarare s'est essayée succes­sivement à tous les articles, à toutes les matières textiles, même à la laine1. Aujourd'hui les branches principales de son industrie sont le tissage du coton, le tissage de la soie, la fabrication des tissus mélangés, celle des rideaux brodés, celle des velours et peluches. La mousseline de coton n'occupe plus la première place ; abandonnée à partir de 1870 par la mode féminine, elle alimente encore aujourd'hui l'indus­trie du rideau brodé. Quant aux innombrables dérivés de la mousse-

    1. Archives du  Rhône,  Enquêtes industrielles,  Tableau   des   métiers   au   no­vembre 1835.

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    line, certains ont parfaitement survécu : à elle seule, la gaze à panse­ment a permis à ses fabricants d'édifier, à la faveur de <st1:PersonName productid="la Guerre" w:st="on">la Guerre</st1:PersonName>, de considérables fortunes. A vrai dire, l'industrie du coton pur manifeste une certaine paresse et vit sur sa réputation. En revanche, Tarare produit en abondance ces tissus mélangés, toiles de soie, voiles, crêpes qu'un peu de schappe rend luisants et dont raffole la mode actuelle ; dans ce domaine, deux de ses créations : la mousseline mixte et la « toile de Tarare », sont inimitables. L'industrie des velours et pe­luches remonte à 1832 ; destinés d'abord au chapeau haut-de-forme, la mode féminine s'en est emparée ; aujourd'hui l'usine Martin dé­borde du cadre de Tarare : elle a essaimé à Tignieu, à Voiron, à Ruoms, à Lyon. D'autres grandes maisons, dont les succursales ou la direction ont émigré à Lyon, à Paris et jusqu'en Amérique, ne sont plus tarariennes que par leurs origines et se consacrent aux « nou­veautés» ou aux tissus de soie. Du reste, le tissage de la soie à Tarare est une importation lyonnaise. Dès 1819, Lyon, revenue de ses pré­jugés, entreprend la conquête de la montagne, et les négociants de Tarare s'offrent comme intermédiaires. La grande ville s'est peu à peu annexé tous les gros bourgs de la basse Turdine. Cependant Tarare conserve à l'Ouest son fief propre, voué au coton, et dont la zone d'extension rayonne en forme d'éventail vers <st1:PersonName productid="la Loire. Le" w:st="on">la Loire. Le</st1:PersonName> blanchi­ment, la teinture et 1 apprêt restent une branche importante de l'in­dustrie locale ; les douze usines concentrées dans la ville ne suffisent pas aux besoins : il faut avoir recours à Lyon, à Villefranche, à Roanne, à Mulhouse. Entre les établissements règne une grande diversité : la grosse usine de 300 métiers voisine avec l'atelier de <st1:metricconverter productid="50. L" w:st="on">50. L</st1:metricconverter>'électricité est en train de ressusciter l'atelier familial à trois ou quatre métiers, que la concentration de l'industrie dans les usines à vapeur avait fait disparaître. Du reste, ces dernières s'étaient fait longtemps attendre, et ce n'est que quinze ans après l'ouverture de la voie ferrée, à partir de 1880, que le tissage mécanique s'est installé à Tarare. Après un tel effort, la fabrique ne se soucie pas de renouveler encore une fois son matériel ; elle reste fidèle à la vapeur et demande à ses chaudières les cinq sixièmes de sa force motrice1. Quelques chiffres, enfin, peuvent donner une idée approximative de l'impor­tance du centre actuel : en 1926, Tarare a importé 3 688 t. de coton filé et 108 t. de soie ; elle a expédié 4 407 t. de tissus2.

    Tarare compte aujourd'hui 11 206 hab. Depuis soixante ans et après un maximum anormal, le chiffre n'a pas varié : il semble avoir trouvé son niveau d'équilibre et correspond aux extrêmes possibilités de vie que l'industrie moderne offre aux habitants ; l'excédent de population dû à la natalité doit émigrer. La ville elle-même semble

    1. En 1926, Tarare a importé 43 200 t. de houille. .. 12. Communiqué par le chef de la gare de Tarare<o:p></o:p>

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    avoir atteint les bornes de son cadre naturel : elle remplit l'étroite plaine, poussant le long des ravins affluents, comme trois branches d'étoile, ses faubourgs qui s'effilent et bientôt s'étranglent. Dans l'agglomération actuelle<o:p></o:p>

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    apparaissent les trois stades de développe­ment successifs. Voici, à la fourche des deux ruisseaux, sur le promon­toire que couronne encore le clocher de l'ancien prieuré, le noyau ini­tial que limite un cercle de ruelles, trace du mur d'enceinte. Au pied, dans la plaine, l'ancien gîte d'étapes, en forme d'équerre, où dominent les maisons d'habitation et dont l'antique route et son embranchement sont les deux grandes artères, attirant cafés, hôtels et magasins. L'usine, venue la dernière, n'a trouvé de surfaces dispo­nibles que vers l'aval ; la ville s'est développée vers l'Est, occupant d'abord ce qui restait de l'étroite vallée, attirée ensuite par le replat où la gare s'établit, débordant enfin sur les deux versants adoucis ; c'est aux flancs du «creux» qui s'évase au-dessus de la gare que s'étagent les bâtiments les plus récents, grandes usines électriques, maisons ouvrières, villas. Vers l'amont, la ville a peine à se développer encore ; aux pentes assez raides, parmi le quadrillage des jardins ouvriers, quelques maisonnettes s'accrochent. La banlieue agricole se spécialise de plus en plus dans la laiterie et la culture maraîchère ; la production du canton, bien que fortement accrue depuis cinquante ans, est loin de suffire à l'approvisionnement delà ville, qui a importé, en 1926, 5771. de légumes, fruits et primeurs, 6 720 t. de blés et farines. Dans le cadre sévère des montagnes qui l'entourent sans l'étouffer, la petite ville fait une tache claire et jette une joyeuse rumeur. Tarare n'est ni une ville administrative, ni une ville de résidence ; on n'y trouve point d'oisifs. Pour la masse ouvrière, il n'existe pas encore de barrière de caste entre le chef, souvent sorti du rang, et l'ouvrier qui, s'il est économe, parvient presque toujours à monter un petit atelier.

    Tarare est née de sa remarquable position sur une des voies les plus fréquentées de l'ancienne France ; longtemps elle a tiré profit des difficultés du passage. L'amélioration des voies de communica­tion du Sud-Est, le déplacement des grands courants d'échange ont ruiné la route du Bourbonnais ; fût-elle d'ailleurs aussi fréquentée que jadis, la ville n'en tirerait plus aucune ressource : le chemin de fer ne fait que passer ; l'automobile choisit un gîte d'étapes à sa guise. Mais la route a permis à Tarare d'être touchée par bien des courants divers et d'être en rapports journaliers avec la métropole lyonnaise. Quand l'antique industrie du chanvre s'est trouvée vieillie, c'est de Lyon qu'est venue l'inspiration nouvelle. Aujourd'hui Tarare est bien dans l'orbite de la capitale du Sud-Est ; elle fait partie de la grande banlieue lyonnaise.

    Henri Bordas.

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    Annales de Géographie, Année 1930, Volume 39, Numéro 217 p. 40 – 49<o:p></o:p>

    D’après la base de données PERSEE http://www.persee.fr



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  •  Toutes les personnes qui se promènent, côté route de Lay près de l'ancien tunnel du tacot, qui passe sous la RN7  peuvent s'apercevoir que le terrain a été nettoyé devant l'ouverture obstruée de cette vieille ligne de chemin de fer.

    Des gens bien informés laissent entendre que le vieux tunnel serait débouché et qu'une promenade de verdure doit voir le jour, pour rejoindre celle-ci il suffirait de se rendre vers l'ancienne gare et d'emprunter  le tunnel, une idée à suivre...



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    PESSELAY<o:p></o:p>

    Aux abords de l'ancienne ville de Lay, à quelques centaines de mètres seulement du village de Thélis où ne subsiste plus aucun vestige du manoir  qui fut selon toute vraisemblance le berceau de la famille chevaleresque de ce nom, s'élève encore le vieux manoir de Pesselay. C'est une demeure féodale du quinzième siècle, presque intacte, vraiment remarquable avec sa haute tour ronde et sa façade majestueuse qui regarde la côte au pied de laquelle il est assis. De ce côté, une tour carrée engagée, plusieurs fenêtres grillagées achèvent de donner au castel un aspect qui séduit les amis du passé. A l'intérieur, la cuisine a conservé sa vieille cheminée au large manteau de pierre ; au-dessus d'une porte est un écusson malheureusement mutilé.

        Pesselay ne fut à l'origine qu'une maison de chasse  des sires  de Beaujeu. Le 28 septembre 1400, Pierre de Thélis rend hommage de Pesselay au duc de Bourbon et en donne le dénombrement, à Beaujeu, le 17 février 1402, Pierre de Thélis, seigneur de Pesselay, avait épousé Clémence de <st1:personname productid="la Vupilli│re" w:st="on">la Vupillière</st1:personname>, qui testa en novembre 1414, laissant :1°Guichard, damoiseau, seigneur de Pesselay ; 2° Jean, substitué à son frère ; 3° Isabeau, religieuse à Beaulieu.

       Le 6 février 1458, Jean Frépier, dit du Bosc ou du Bois, demeurant au château de Pesselay, donne l'aveu et dénombrement de son fief qu'il démembrera peu après. Le 17 novembre 1470, un dénombrement est donné par Antoine Fournillon, qui a acquis des terres de Jean Freppier, seigneur de Pesselay et de ses héritiers, Simon du Bois et Michel Charreton, bourgeois de Charlieu. Ce démembrement comprend la justice moyenne et basse sur Combres et les rentes : <st1:metricconverter productid="8 livres" w:st="on">8 livres</st1:metricconverter> 12 sols1/2,cens, 14 pichets froment, 8 de seigle, 140 ras d'avoine, 4 pichets d'orge, 5 lampes huile, 18 gélines, 6 conils.

        Le 28 juillet 1470, aveu de dénombrement pour Pesselay, par l'honorable Simon du Bosc, héritier de Jean Freppier. Le 1° mars 1539, dénombrement par noble Antoine de Pesselay, pour son château et maison-forte de Pesselay. Le 15 juillet 1545, à la monstre de Charlieu, es mentionné Jehan de Pesselay, frère du seigneur de Pradines. Hector du Boys, seigneur de Pesselay, laissa un fils ,Hector, marié à Jacquette de Neufville, dame de Gatellier.

       Dans le rôle des nobles et francs fiefs du Beaujolais, taxés au frais soufferts par le seigneur de Gondras, aux Etats, à Paris, en 1615, figurent : le bailli de Beaujolais pour Joux, <st1:personname productid="la Noyrie" w:st="on">la Noyrie</st1:personname>, Peyssellay ; le seigneur de Gessans pour des rentes de Peisselay. Il s'agit certainement de la partie démembrée en 1470. Le 4 mars 1693, parmi les nobles et roturiers possédant fiefs en Beaujolais nous trouvons le sieur Courtin, cy devant prévôt de Roannais, pour la terre et seigneurie de <st1:personname productid="la Motte-Saint" w:st="on">la Motte-Saint</st1:personname>-Vincent, <st1:personname productid="la Cour" w:st="on">la Cour</st1:personname>, le fief de Laye, en ladite paroisse de Peysselay, en la paroisse de Montagny, et leurs rentes. C'est toujours, on le voit, la parcelle démembrée en 1470. Le même rôle  mentionne le sieur du Fournel, advocat en Parlement à Lyon, pour le fief de Peysselay, à Saint-Symphorien-de-Lay. Cette famille portait : d'azur à la fasce d'argent accompagnée de trois merlettes du même en chef et d'un croissant aussi en pointe d'argent. Noble Guillaume du Fournel, écuyer, seigneur de Pesselay dans la première moitié du dix-septième siècle, épousa Magdeleine du Fournel, dont : noble François du Fournel, seigneur de Pesselay et Poleymieu, conseiller du Roi et son procureur en la juridiction de la police de la ville de Lyon, né en 1658, mot le 3 mars 1748, échevin de Lyon en 1704, marié le 8 juin 1691, à  Anne-Magdeleine de Gangnières, morte le 27 octobre 1730, fille de Jean  de Gangnières, chevalier, comte de Souvigny, baron de Grézieu-le-Marché, seigneur de Viricelles, <st1:personname productid="la Thivolli│re" w:st="on">la Thivollière</st1:personname>, etc., Maréchal de camp en 1650, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-général des armées du Roi, conseiller d'Etat, gouverneur de Monaco, premier chambellan de Monsieur le frère du Roi, et de Madeleine de Vanini, dame de Saint-Laurent d'Agny, dont entre  autres Magdeleine du Fournel (2 juin 1693 - 6 octobre 1735) mariée le 8 février 1723,  à Antoine de Laurencin, chevalier, seigneur de Prapin et Taluyer (21 septembre 1689-1740) capitaine au Rt de <st1:personname productid="la Reine-Infanterie" w:st="on">la Reine-Infanterie</st1:personname>, fils de Gaspard et de Marie Dervieu. La famille se perpétua après l'aliénation de Pesselay, par Barthélemy du Fournel de Breuil, marié à Elisabeth Barberet, dont : Benoîte-Joséphine du Fournel, , née le 2 janvier 1790, mariée 1° le 19 novembre 1807, à Marie-Thomas-Charles Guillet de Châtelus (18 mai 1780 - 7 janvier 1826) fils de Jacques-Pierre et de MarieRambaud ; 2° en 1835, à Désiré Pontanier, comte de <st1:personname productid="la Rochette." w:st="on">la Rochette.</st1:personname>

       Claude Durand de Pesselay, seigneur dudit lieu, épousa le 28 janvier 1739, Claudine Montchanin.

       Les armes de cette famille sont ; d'azur au cerf passant d'or ; au chef cousu de gueules. Les Durand possédaient encore Pesselay, à la fin du dix-huitième siècle.

       Le possesseur actuel est le comte Robert Desvernay (v. Chenevoux, t II)

    (Billiet : loc. cit, Con de M. de Neufbourg ; H. de Jouvencel : loc. cit.)

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    Sans trêve le temps efface<o:p></o:p>
    Sur la liste des humains<o:p></o:p>
    Il ne voudrait ne laisser trace<o:p></o:p>
    D’aucune œuvre de leurs mains<o:p></o:p>


    <o:p></o:p>

    <o:p></o:p>Mais la muse de l’Histoire<o:p></o:p>
    Debout au seuil du néant<o:p></o:p>
    Pour l’immortelle Mémoire<o:p></o:p>
    Est sans cesse butinant<o:p></o:p>


    De tout ce qui d’âge en âge<o:p></o:p>
    Devant elle s’est brisé<o:p></o:p>
    Elle réfléchit l’image<o:p></o:p>

    Comme un miroir du Passé<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>




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