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    LE REVEILLEZ EN FOREZ

     

     

    Dans les manuscrits de M. V. Smith sur les « Chansons populaires du Velay et du Forez » nous avons trouvé des notes concernant une coutume assez curieuse qui se pratiquait encore dans ces régions il y a une cinquantaine d’années « Le Réveillez ».

    Un veilleur de nuit, appelé le Réveilleur, parcourait les villages à la nuit en chantant, à chaque maison, un couplet de son triste cantique. Le Réveilleur rappelait aux fidèles le souvenir des défunts et l’inévitable de leur propre mort. Le réveilleur allait de porte en porte en agitant sa sonnette, ou bien tapait de grands coups de bâton pour « réveiller » les gens plongés dans le sommeil. Ces derniers, malgré le désagrément éprouvé, lui répondaient Amen ou merci. Le lendemain matin le trouble-sommeil faisait la quête on lui donnait une tranche de pain, ou de la menue monnaie. M. Smith tenait tous ses renseignements des crieurs de nuit eux-mêmes ou de ceux qui les avaient entendus.

    A Chamalières, le dernier réveilleur était un nommé Laniel ou Olanier qui, selon l’usage de l’endroit, était appelé du nom de la maison qu’il habitait, le Gabe. Il visitait les hameaux quatre à cinq fois par an, il avait dans son parcours tous les petits groupes de maisons placées sur les degrés du mont Gerbisson et du mont Mionne.

    A Saint-Just-sur-Orson, c’était L’Hermette qui visitait les paroisses de Montley, de Chomelise, de Saint-Genest, de Vorey, de Saint-Maurice-la-Roche.

    A Saint-Anthème, Nicolas Courtial, le 4 juillet 1873, donne des précisions sur cette fonction qu’on exerce dans sa famille de père en fils.

    A Saint-Rambert-sur-Loire, Vortore, Orsignac, Saint-Didier la Séaune, Saint-Bonnet-le-Château, presque tous les villages, nord, nord-est du Puy cette coutume avait lieu. Mais selon les endroits, elle ne se faisait pas aux mêmes époques de l’année.

    Tantôt à l’occasion d’un décès (Orsignac) où dans le courant de l’année, ou bien aux quatre fêtes principales des Morts (Saint-Didier-la-Séaune).

    Les fêtes avaient lieu le 2 novembre, trois semaines après Noël, ou après Pâques, une autre en juin.

    Voici un des «  Réveillez » chanté par M. Chabrier à Vortore

     

    Refrain A la mort, à la mort,

    Pécheur, ce temps viendra

    Le Seigneur à la mort te jugera.

    Refrain A la mort, à la mort

    Refrain A la mort, à la mort

    Refrain A la mort, à la mort

     

    Réveillez-vous, gens qui dormez,

    Priez Dieu pour les trépassés

    Priez pour vos parents, amis,

    Que Dieu les mette en paradis

    L’on te mettra dans un tombeau

    Comme un enfant dans son berceau.

    Et la terre te couvrira

    La vermine te mangera.

    Pécheurs, approchez du cercueil,

    Venez confondre votre orgueil,

    Là-bas ce qu’on estime tant

    Est enfin réduit au néant

    Là-Bas, là-bas dedans le bois

    Vous y trouverez une croix

    Vous y trouverez par écrit

    Le nom du Seigneur Jésus-Christ.

    A la mort, à la mort,

    Ton orgueil doit finir,

    A la mort, à la mort,

    Il nous faut tous venir.

    La clochette que j’ai en main

    Ne sonne pas pour d’autre fin,

    Sonne que pour nous avertir

    Que de ce monde, il faut partir

     

    Refrain A la mort, à la mort

     

    La lettre suivante, datée du 24 août 1873, adressée à M. Smith par M.  Anatole Pinatelle, de Saint-Rambert-sur-Loire, donne quelques précisions intéressantes sur certains réveilleurs :

    « Le crieur de nuit n’était ni sonneur ni chantre. Il était une sorte de secrétaire de la confrérie des Agonisants, et quand un de ces membres était mort, il annonçait son enterrement la veille au soir à peu près dans ces termes « On fait  savoir à tous ceux qui sont de la confrérie des agonisants Honnête un tel a passé de vie à trépas, avec la grâce de Dieu. Vous assisterez à son enterrement. Vous prierez Dieu pour le repos de son âme et il priera Dieu pour vous.

    Il sera enterré demain, à telle heure « Il disait ces paroles dans chaque quartier après avoir sonné trois coups de cloche. «  Le jour de l’enterrement, il accompagnait le mort, en costume, en sonnant tous les dix ou quinze pas, derrière le cercueil. On lui donnait quelques pièces de monnaie. « Son costume consistait dans le surplis dont je vous ai parlé et sa coiffure était une sorte de bonnet carré comme ceux des prêtres, mais blanc avec un bouton noir. « La veille des grandes fêtes il chantait ses complaintes la nuit. « Il commençait au cimetière à minuit après y avoir fait une petite prière, puis il allait chanter dans tous les quartiers, à chaque porte. Il disait un de profundis en donnant un coup de poing dans la porte. «  La complainte était toujours la même, rappelant le souvenir des morts, mais à la veille des fêtes joyeuses, on ajoutait un alléluia ou Dieu est ressuscité. « Girard a été le dernier crieur de nuit, il a chanté jusqu’à sa mort, arrivée il y a dix-huit ans. Il n’avait pas un costume spécial, mais son prédécesseur Berthéas en avait un.

    Je tiens ces renseignements du greffier de la justice de paix de Saint-Rambert ». La complainte de Saint-Rambert est dans le même esprit que les autres « réveillez », il n’y a guère que des différences d’expression. L’habitude de chanter des « Reveillez » était si familière qu’on en avait composé un pour danser et qui s’intitulait :

     Le Temps,

     Le temps de ma jeunesse, j’avais que gloire et vanité. J’avais que gloire et vanité, certainement. Ma jeunesse s’en  est allée comme le vent. Mais à présent que je suis vieille, j’entends le tambour de la mort, certainement. Qui me dit « faut t’en aller sans plus tarder ». O mort, que tu es donc  cruelle, si tu m’en avais avertie. Si tu m’en avais avertie, certainement j’aurais donné tout mon bien  aux pauvres gens. Si tu m’en avais avertie, à l’âge de quinze à seize ans, certainement, tu m’aurais répondu oh j’ai le temps.

    « Le  Réveillez », comme beaucoup d’autres usages, a disparu peu à peu dans cette région. Une habitante de Vorey, Joséphine Chastel, en donne l’explication suivante qui n’est guère exacte sans doute, mais qui résume bien l’impression produite par ces chants nocturnes : ça faisait peur, on l’a défendu.

    Mademoiselle Germaine BRIZARD, Archiviste de la Société du Folklore Français.


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  • Saint-Etienne, la capitale du cycle, de l’arme de chasse, du ruban, est la grande ville de 190 000 habitants, préfecture du département de la Loire. La ville et le département de la Loire sont bien connus des touristes qui, pour se rendre sur la Côte d’Azur, suivent la fameuse route bleue. Cette belle route qui traverse la France, puisqu’elle vient d’Amsterdam et d’Ostende,  permet de visiter Amiens, Paris, Fontainebleau, Nevers, Moulins, et conduit vers les rivages ensoleillés de la Méditerranée. Tous les aspects de la France se retrouvent sur son parcours : la plaine du Nord, Paris, les campagnes verdoyantes du Nivernais, les grandes forêts de sapins et les larges échappées sur les Alpes que ménage le col de la République (1.100 mètres) à la sortie de Saint-Etienne, les champs d’abricotiers et d’amandiers de la vallée du Rhône. Villes d’art, marchés agricoles de province, centres industriels – et, parmi les plus importants Saint-Etienne – sont sur son parcours.

    Mais il est une petite province : le Forez, dont peu de personnes peuvent dire qu’elles la connaissent : il constitue essentiellement le département de la Loire, et ce n’est pas le connaître que le traverser. Nous ne saurions trop conseiller aux touristes de quitter parfois la grande route pour aborder les routes secondaires (toutes en excellent état, d’ailleurs), qui les conduiront vers des sites et œuvres d’art dignes d’être mieux connus.

    Nous vous conseillons de visiter quelques-uns de ces villages.

    CHARLIEU, ancienne ville frontière du royaume de France, a conservé son donjon de Philippe Auguste, son église romane, son cloître roman et son magnifique cloître des Cordeliers (      XIV° siècle), sauvé au moment où un riche amateur étiquetait chaque pierre pour le transporter à l’étranger.

    AMBIERLE possède, dans son élégante église clunisienne du XV° siècle, un magnifique tryptique longtemps attribué à Van der Weyden, mais que la dernière critique a fait attribuer à un maître original qu’on a appelé le « Maître d’Ambierle ». Un musée de folklore forézien, d’une particulière richesse est installé à proximité ; il renseigne d’une façon vivante sur les coutumes et les méthodes de travail de nos ancêtres ?

    POMMIER-EN-FOREZ vit autour de son monastère bénédictin conservé intact : c’est là qu’en 1452 le roi Charles VIII signa la charte créant l’Université de          Caen, Université française dans la Normandie recouvrée. L’église des XI° et XII° siècles est un magnifique spécimen de style roman provençal dans notre région : Il faut y remarquer le couvercle de sarcophage gallo-franc qui sert de maître autel, les peintures murales du XV° siècle, les échéas, vases acoustiques du XII° siècle, qui sont les premiers exemples d’une technique que nos modernes architectes reprennent à leur comte, les lustres de Richard Desvallières et l’ensemble  du site classé.

    A proximité, SAINT-GERMAIN-LAVAL, vieille cité, s’élève au-dessus de l’Aix.

    Parmi les œuvres qui comptent dans l’histoire de la civilisation, l’ « Astrée » est retenue comme une de celles qui ont le plus fait pour instaurer le respect de la femme et la dignité de l’amour. C’est au château de la Bastie d’Urfé qu’honoré d’Urfé écrivit son roman, qui se déroule pans le paysage de la campagne forézienne, immortalisant « le doux et coulant Lignon » ; ce château de la Renaissance construit par Claude d’Urfé, ambassadeur du roi de France auprès du Saint-Siège, se présente géographiquement comme le premier des châteaux de la Loire : ses particularités architecturales en font, en outre, un objet d’étude et de visite pour tous les amateurs d’art ; sa chapelle « était autrefois la plus belle du royaume » ; elle a retrouvé une part de son lustre passé La salle de Rocailles est unique en France et fait l’objet de la sollicitude des Beaux-Arts. Sa grande galerie, l’humanisme du XVI° siècle partout inscrit dans la pierre, le délicieux temple d’Amour des jardins ont fait agréer le château de La Bastie comme centre de vacances pour les étudiants étrangers.

    L’histoire politique du Forez remonte à la plus haute antiquité : avant la conquête romaine, Feurs était la capitale du pays des Ségusiaves ; il le resta sous la domination de Rome jusqu’à ce que Lyon eût grandi assez pour le remplacer dans ce rôle. Puis les comtes de Forez, qui font hommage de leur comté au roi de France dès 11783, vont résider à Montbrison : c’est toute la ville médiévale que nous voyons encore, la collégiale du XIII° siècle, la salle de la Diana (1302) avec son plafond qui reproduit les écussons de la plupart des familles possessionnées en Forez, la délicieuse chapelle des Pénitents (XVII° siècle) et ses remparts flanqués de tours. Aujourd’hui, marché agricole très important ; les industries s’y développent peu à peu.

    Les eaux minérales de Saint-Galmier,Couzan, Saint-Romain-le-Puy, Montrond, ont, depuis longtemps, une notoriété mondiale : elles jaillissent toutes dans un cadre agréable. A Saint-Galmier, elle a fait la prospérité de la ville ; qui s’est étagée enterrasses au-dessus du Forez. Il faut y voir dans l’église la Vierge au Pilier, qui avec sa compatriote la Vierge de Rochefort, figure au Musée de la sculpture comparée du Palais de Chaillot à Paris.

    Au carrefour des deux grands axes Paris-Méditerranée et Bordeaux-Genève, le Forez est le point de rencontre des civilisations latine et nordique ; elles se sont intimement mêlées et ont donné ces chefs-d’œuvre d’art qui retiennent l’attention des amateurs, dans un climat que lui envient beaucoup de provinces.

    Sa diversité en est la conséquence : l’industrie, l’agriculture, la plaine, la montagne s’y rencontrent. Dans le département de la Loire pousse la gentiane à Pierre-sur-Haute (1610 mètres) et mûrit l’amandier sur les bords du Rhône. Tout reste à l’échelle de l’homme, qui y a trouvé sa vocation et l’équilibre de réalisation : le paysage a influencé son comportement pour le rendre accueillant et aimable à tous. C’est l’ensemble du caractère du Forez et de ses habitants qui le rend sympathique à ceux qui sont appelés à le traverser. Si le hasard de la route, vos occupations professionnelles vous amènent à proximité, n’hésitez pas : faites un crochet, arrêtez-vous une première fois, vous y reviendrez. Et puis, si vous êtes gourmets, les auberges du Forez sont réputées et Saint-Etienne est un célèbre centre de confiserie et de chocolats fins ; à lui seul il vaut une halte.

    Janvier 1953 –LE CHASSEUR FRANÇAIS – Saint-Etienne (Loire)

     

    LA ROUTE BLEUE

    Les habitants de Saint-Etienne ne voyaient pas beaucoup de vacancier, ceux-ci passaient par Lyon pour rejoindre la méditerranée. La chambre de commerce de Saint-Etienne crée en 1933 une association « La route Bleue » chargée de faire la promotion touristique de l’itinéraire Paris-Côte d’Azur par Roanne et Saint-Etienne, puis Annonay et la vallée du Rhône. Elle était balisée par des plaques émaillées et de grands panneaux bleus à lettre blanches.


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  • SAINTE CATHERINE 4
     

    A la Sainte Catherine, on fête les Catherinettes, c'est-à-dire les jeunes filles ayant dépassé l'âge de 25 ans sans être mariées. La tradition, particulièrement dans les maisons de couture et les magasins de mode, veut qu'on leur confectionne des chapeaux extravagants qu'elles porteront tout au long de cette journée. A l'origine de cette tradition, il y a la vie légendaire de Sainte Catherine...

    A l'approche de la date des Catherinettes, le gouvernement Raffarin envisage de faire voter une grande loi sur l'âge limite pour la traditionnelle célébration. Actuellement fixé à 25 ans, cet âge pourrait être porté progressivement à 30 pour "tenir compte de l'évolution des comportements".

    On observe en effet depuis un siècle le glissement progressif de l'âge du premier mariage des jeunes femmes se produit de plus en plus tard. Et dans les années soixante encore, une proportion importante des jeunes femmes de moins de 25 ans vivait mariées en couple. Les Catherinettes restaient donc l'exception.

    Or, au cours des quinze dernières années, les évolutions se sont accélérées, comme le rappelle Fox T.Paddle, le président de l'IDOF (Institut Désinformation et Opinion Francophone) : "nous venons de vivre la décennie du grand changement de moeurs sociétales, la nouvelle situation devait être prise en compte", nous a-t-il expliqué, fort des constatations tirées des bilans démographiques de l'INSEE, selon lesquelles l'âge moyen lors du premier mariage des femmes qui était de 25,7 ans en 1990 s'élève désormais à 29 ans. "Telle qu'elle est définie par la tradition, la Catherinette n'est désormais plus l'exception mais la règle commune", s'alarme le célèbre consultant d'origine australienne, pour qui "l'adhésion populaire à la Catherinette repose sur le caractère exceptionnel de la situation matrimonial de non mariage". De plus, Fox T.Paddle souligne que "l'identité sous-jacente de l'événement marketing que représente la Catherinette ne peut que souffrir désormais de cette inadéquation entre la tradition et la nouvelle réalité sociétale", ce qui constitue un grave danger. En un mot, comme le résume l'expert bien connu de nos lecteurs, "la Catherinette n'obéit plus aux règles du marketing one to one".

    Alerté par l'IDOF, le gouvernement a réuni le mois dernier dans le plus grand secret une commission sous l'égide de Emile-Louis Dubonchoix, maître des requêtes au Conseil d'Etat, spécialiste des questions d'humiliation des femmes.

    La commission Dubonchoix a entendu les plus importants experts démographes français, ainsi que des jeunes femmes concernées par l'événement, qui ont pu exprimer les craintes de toute une génération. Ainsi, Léonie D. a expliqué qu'elle est "très surprise" de se retrouver Catherinette dans quelques jours puisque, selon elle, sa situation est "statistiquement normale". Autre témoignage poignant, celui de Fabienne S., une jeune mathématicienne qui avait déjà sombré dans l'alcoolisme depuis qu'elle a dû travailler sur le ratio McDonough : "j'étais déjà désespérée au travail, surtout depuis qu'ils m'ont collé sur les normes IFRS, et maintenant je vais être humiliée".

    Lors des auditions, la commission Dubonchoix a aussi pu entendre l'appel de la jeune génération qui espère bien échapper aux Catherinettes à 25 ans, représentée par Isabelle R. : "j'ai encore un an et je vis dans l'angoisse, je ne vais quand même pas me marier avec mon mec juste pour échapper à ça, ce serait dingue!".

    Le nouveau calendrier des Catherinettes devrait être connu avant la date fatidique du 25 novembre prochain, estime-t-on dans les milieux bien désinformés proches de la commission Dubonchoix.

                                                                                                                                                     INTERNET

     

     

     

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  • En constatant que les chansons du temps de nos grands-parents et arrière-grands-parents font encore partie du répertoire des enfants d’aujourd’hui comme en témoignent les disques et bandes magnétiques dans les rayons des magasins, j’ai été amenée à me poser cette question : Quel élément contribue à la longue vie de ces chansons en une époque où tout change, en apparence du moins, où les anciennes valeurs semblent abandonnées ? La même question fit l’objet du discours du Commencement à Kent State Universy en décembre 1981 : « What is of Lasting Value in an Age of Uncertainty ? »

    Ces chansons sont comme un cri de joie, d’amour et de douleur qui jaillit spontanément de l’être le plus profond, elles reflètent nos émotions et nos sentiments les plus divers et les plus intimes. Mais bien plus, les symboles qu’elles représentent sont universels, ils remontent aux sources mêmes de l’humanité et ils expriment des valeurs inaltérables. En outre, pour Tieck, que cita Béguin dans « L »Ame romantique et le rêve », « la musique opère ce miracle de toucher en nous le noyau le plus secret, le point d’enracinement de tous les souvenirs et d’en faire pour un instant le centre du monde féérique, comparable à des semences ensorcelées… » (Phantasien über die Kunst).

    Comme la musique, la chanson et la danse s’allient naturellement, c’est souvent en formant une ronde que les enfants répètent les mélodies qui ont fait le charme de tant de générations. Le cercle a toujours pour la pensée figuré l’idéal, évoquant le cycle, symbolisant le «  moi », exprimant la totalité de la psyché.

    Les nombres pourront également jouer leur rôle. Avec ses comptines, « l’enfant baigne déjà dans une poésie qui le rassure, faite pour dénombrer les choses, contribuant à lui donner, à travers l’espace, cette maîtrise du temps à quoi, plus grand, il aspire » (Dat.)

    Entrons dans la ronde enfantine avec « Dansons la capucine » dont l’auteur Jean-Baptiste Clément (1836-1903) écrivit également les paroles de la célèbre chanson « Le Temps des Cerises ». Partisan de la Commune de Paris, fis de meunier qui devint journaliste, Jean-Baptiste Clément consacra la plus grande partie de sa vie à la propagande socialiste révolutionnaire « Le Temps des Cerise » qui figure dans « Le Livre d’Or de la Poésie Française » de Pierre Seghers, est devenu l’hymne de tous les ouvriers, de tous les malheureux terrassés par la répression de 1871. « Dansons la Capucine », chanson des plus simples en apparences puisqu’elle exprime l’idée que l’argent et les biens matériels ne font pas le bonheur, me semble surtout intéressante à cause de la capucine, cette plante ornementale à feuilles rondes et à fleurs jaunes, orangées ou rouges, rappelant un peu le lis tigré (tiger lily). Cette fleur tir son nom du capuce, capuchon taillé en pointe des capucins, religieux réformés de l’ordre de Saint-François, et son nom latin nasturtium signifie cresson alénois. En effet, la fleur peut être utilisée pour orner les salades auxquelles elle apporte son goût piquant semblable à celui du cresson. Alénois signifie d’Orléans, cette ville qui nous fait immédiatement penser à la Sainte Patronne de la France, Jeanne d’Arc, la Pucelle d’Orléans. Son autre nom trouvé dans le dictionnaire d’anglais, « lark’s heel » (alouette), nous mène à la pièce d’Anouilh intitulée « L’Alouette » et l’Alouette « chantant dans le ciel de France, c’est Jeanne d’Arc ». Cet oiseau a la particularité de s’élever en flèche dans le ciel. L’alouette, qualifiée de divine par Victor Hugo, se retrouve dans le poème « Elévation » de Baudelaire :

    Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse

    S’élancer vers les champs lumineux et sereins !

    Celui dont les pensées comme des alouettes,

    Vers les cieux le matin prennent un libre essor.

    Bien française est donc cette fleur dont les couleurs vives sont celle qui s’élèvent sur le bûcher de Jeanne à Rouen, celles aussi de la lumière du soleil qui réchauffe les cœurs et réconforte les plus misérables. Elle symbolise la vie, elle a la couleur du poussin et du jaune d’œuf, de l’orange dont le nom même , à son tour, évoque le métal précieux et les êtres spirituels intermédiaires entre Dieu et l’homme, cette orange qui souvent constituait l’unique cadeau de Noël des enfants pauvres. A ces qualités esthétiques et évocatrices, s’ajoutent les vertus thérapeutiques, diurétiques, laxatives et pectorales. Suivant le « Dictionnaire des Plantes » de Larousse, « C’est une plante à utiliser dans la prévention des troubles de la sénescence et par ceux qui veulent vivres jeunes et longtemps » (Professeur Léon Binet). Les feuilles, les fleurs, et les fruits, qui peuvent être macérés dans du vinaigre et remplacer les câpres, tout est utilisable. Alors plantons, chantons et dansons la capucine dans nos jardins.

    Mais « Savez-vous planter les choux », à la mode, à la mode de chez nous ».

     

    Plus prosaïque que la capucine, mais tout aussi important et symbolique, le chou fait l’objet de notre deuxième chanson qui a l’avantage immédiat de faire apprendre le nom des parties du corps aux élèves et de leur faire retenir les pluriels irréguliers : hibou, cailloux, joujoux, genoux, bien connu des écoliers français. Au niveau symbolique, le plus simple et le plus concret, on peut souligner le fait que chaque pays a sa façon de faire les choses particulières à lui et les coutumes les plus diverses existent sur notre globe, les Esquimaux se frottant le nez en signe d’amitié par exemple, mais aussi les handicapés privés d’un membre peuvent être productifs et actifs, voire même créatifs si l’on en juge par les jolies cartes de Noël illustrées par des handicapés, et portant la mention « peint avec la bouche, peint avec les pieds ». Bien sûr, le mot chou fait le plus souvent surgir à l’esprit de bien des Français l’idée des bébés qui sont censé naître dans les choux, c’est ce que l’on a répété pendant des générations. L’étymologie du mot est le latin « caulis » que l’on retrouve dans le mot anglais « cauliflower ». Ce mot signifiait «  tige des plantes », « tuyau de plume » et aussi… « pénis », ce qui explique donc l’origine de la légende. Quoi qu’il en soit, on ne peut dénier l’attrait, ou plutôt les attraits, du chou, d’abord sa couleur, le vert étant la couleur de l’espoir, c’est la couleur de la nature où tant d’écrivains et de poètes nous convient à retourner pour notre bien physique et moral. Récemment, ayant la visite d’une famille typiquement française, quel ne fut pas mon étonnement en entendant une des petites filles, âgée de trois ans environ, obligée d’aller au petit coin, s’exclamer d’un ton admiratif : « Oh mais il est beau ton W.C. ». Appréciant le compliment sincère et me demandant en quoi mon W.C. surpassait les autres, j’ai dû conclure que seule la couleur vert chou tendre en faisait la rare distinction. De même que la couleur, la forme ronde du chou dit bienpommé est attirante.  La rondeur est une forme privilégiée, jugez-en plutôt par l’importance des jeux de balles de toutes sortes. Le sexe dit fort en est encore au B A BA, puisqu’il est très souvent en admiration devant les Balles, les Belles, les Billes, Les Boules et les Bulles de savons ou autres, BA, BE, BI, BO, BU. Même les enfants, au stade du balbutiement, apprécient toutes ces rondeurs qui rappellent le sein maternel. Ainsi donc le chou jouit d’un statut privilégié qui lui a valu d’être un terme d’affection. « Vous êtes un chou » est peut-être moins poétique que « Vous êtes un ange », mais fait presque autant plaisir. Chouchouter, terme bien connu des écoliers, signifie favoriser, préférer. Le mot chou fait même partie du mot chouette équivalent à l’anglais « delightful », smashing, cute, adorable. Le chou est populaire de la Belgique à la Chine, en passant par l’Alsace, l’Irlande, la Lorraine et l’Allemagne où la choucroute constitue le plat de résistance.

     

    Cru ou cuit, farci, rouge, accommodé à toutes les sauces, il est apprécié de tous. Il faut cependant avouer que l’odeur n’en est pas  passées de mode), car la nature reprendra toujours agréable et rappellerait assez celle des couches des bébés qu’il a vu naître, mais comme on le dit souvent en France : « Il faut bien que tout se fasse ! » Et tout est dans la nature, ce mot vient du latin « nascor » signifiant naître. Si une naissance est une des merveilles de la nature, elle s’accompagne de tous les aspects repoussants qui font partie, eux aussi, de la nature. Il ne faut pas essayer de supprimer ce qui est naturel (les mœurs victoriennes sont aujourd’hui passées de mode), car la nature reprendra le dessus tôt ou tard. Il est naturel de planter ses choux dans tous les sens de l’expression. L’an dernier, une jeune Iranienne dans ma classe avait des rameaux, ce dont je lui demandais la raison. Elle m’a expliqué que le cours de jardinage qu’elle suivait lui procurait le dérivatif absolument nécessaire à ses soucis. Elle m’a offert des ceps de vigne et des choux à planter. « Planter ses choux » ne se fait pas n’importe où, mais dans un terrain de prédilection. Cette expression est devenue très symbolique et, lorsque l’on trouve un pays ou une région peu attirante, il est courant de dire : « Ce n’est pas là que j’irais planter mes choux ! ». Horticulteurs de profession ou jardiniers amateurs ne doivent ignorer que le chou fait partie des crucifères, c’est-à-dire de la famille des plantes comprenant des herbes annuelles dont les fleurs ont quatre pétales disposés en croix (chou, cresson, navet, radis). Quoi de plus symbolique que la croix évoquant encore cette chanson enfantine « Le petit Jésus s’en va-t-à l’école en portant sa croix dessus son épaule…, ainsi que ce poème de Victor Hugo particulièrement approprié : « Qu’elle est la fin de tout ? La vie où la tombe ? »

    Est-ce l’onde où l’on flotte ?

    Est-ce l’ombre où l’on tombe ?...

    O Seigneur, dites-nous, dites-nous/

    O Dieu fort,…

    Si déjà le calvaire est caché dans la crèche 

    C’est le chou, crucifère où naissent les enfants.

    La question se poursuit par une métaphore intéressante :

    Et si les nids joyeux, dorés par l’aube fraîche,

    Où la plume naissante éclot parmi les fleurs

    Sont fait pour les oiseaux ou pour les oiseleurs 

     

    Ce tableau printanier nous conduit directement à la charmante chanson « J’ai descendu dans mon jardin » où apparaissent le rossignol et le coq, tous les deux hautement symboliques. En effet, le mot coquelicot vient du mot coquelicop, 1544, onomatopée du cri du coq d’après la crête. « Cocorico » ou « Coquerico » c’est le cri du coq, ce symbole national de la France. Rappelons que le coq (nous le trouvons sur le clocher de l’église) figure l’âme attendant l’esprit : « Cet animal dont le rôle de psycho- pompe est attesté dans de nombreuses croyances est censé conduire l’âme du mort vers la lumière d’ »un autre monde ». Sa crête   est couleur de sang et il est combatif à l’extrême (voyez les combats de coqs). Il chante à l’aurore qui « marque le commencement du monde, la reconquête de soi, joyeux avènement de la lucidité ». Le rouge du coquelicot ou de la crête du coq évoque les innombrables sacrifices de toutes sortes accomplis sur la terre, profanes et sacrés. Le coquelicot sert à commémorer les soldats des guerres passées. Remarquant qu’en dépit des bombardements, les oiseaux et les fleurs continuaient à vivre, le poète John Mc Rae, qui mourut en 1918, écrivit.

     

    In Flanders fields the poppies grow

    Between the crosses, row on row,

    That mark our place; And in the sky

    The larks, still bravely singing, fly

    Scarce heard among the guns below.

    (Dans les champs des Flandres, poussent les coquelicots, entre les croix alignées dans les rangs qui marquent notre place; et dans le ciel volent les alouettes dont le champ courageux s’élève encore à peine perçu parmi les canons qui se trouvent au-dessous).

    Mais dans notre chanson, c’est dans le jardin que pousse le coquelicot et le jardin représente l’espace clos, fermé, utérin. Le jardin peut symboliser l’Eden ou l’éternelle enfance. Mater, le latin pour mère est aussi ma terre. Chez les Chinois taoïstes, la terre est yang, passif, obscur féminin par opposition au yin, le ciel actif, lumineux, masculin. Comme nous l’avons déjà dit, tout retour à la nature est sain, et le retour à la terre natale peut être source de rajeunissement, de renaissance. Il est intéressant de constater que le mot latin pour coquelicot est « papaver » allant ainsi parfaitement avec ma terre, mater. Ses propriétés thérapeutiques contrastant avec sa couleur vive excitante et stimulante sont des propriétés calmantes et même légèrement narcotiques d’où son utilisation dans les tisanes et dans les sirops, contre l’insomnie et contre la toux. Comme le coquelicot, le romarin que va cueillir la petite fille présente des propriétés thérapeutiques : «     Toute la plante dégage une odeur aromatique rappelant à la fois l’encens et le camphre. La fameuse « eau de la reine de Hongrie », simple alcoolat de romarin, jouit d’une célébrité inouïe ». C’est une véritable eau de Jouvence qui fut énormément apprécié de Louis XIV et de Madame de Sévigné.

    De l’élément végétal, passons à l’élément animal représenté ici par le rossignol qui tient un rôle capital dans la littérature et les chansons. Comme le coquelicot, il peut représenter l’élément masculin car il symbolise le membre viril et parfois le retour de la guerre. Dans notre chanson, il tient certainement un discours galant à la petite fille en lui faisant l’éloge des demoiselles et par là sans doute de la virginité. Il symbolise aussi le retour du printemps et met une note fraîche et musicale dans ce décor édénique, dans un royaume chaud et vivant.

    Hélas, toutes les chansons n’ont pas une fin aussi heureuse et « Le Pont du Nord » nous introduit dans le drame de par son titre même. C’est du Nord que souffle la Bise glaciale qui apportera le baiser de la mort sans vouloir de jeux de mots (les bises peuvent être affectueuses !). C’est souvent du Nord que sont venues les invasions. Le fossé entre les générations sans doute représenté par le fleuve cause la perte apparente des enfants unis contre la volonté maternelle

    La jeune fille est revêtue de la robe blanche comme celle du baptême et celle du mariage ; la ceinture dorée peut symboliser le cordon ombilical. La chute de la jeune fille dans l’eau suggère la descente dans les ténèbres de l’inconscient en quête de son identité pour une renaissance spirituelle. C’est aussi le retour au milieu originel. L’eau représente le royaume psychique. Les cloches sonnent donc pour le baptême par la purification, et le glas pour la mère qui vient de perdre ses enfants. L’eau qui coule attire les rêves et l’eau est source de vie et de mort suivant la théorie de Gaston Bachelard dans « L’Eau et les Rêves ». L’eau est le miroir qui fit la perte de Narcisse s’y contemplant comme dans une glace, ce mot à double sens. Ce voyage psychique symbolique est une nécessité pour la connaissance de soi qui forme la base de toute connaissance véritable, selon le principe socratique. La souffrance est rédemptrice et régénératrice, et tout être humain connaît une alternance de joies et de peines comme le poète dans le poème d’Apollinaire, « Le Pont Mirabeau », comme le printemps succède à l’hiver et comme le beau temps succède à la pluie, selon le cycle éternel des saisons, de la psyché et nous retrouvons le thème du Cercle développé par Georges Poulet dans « Les Métamorphoses du Cercle ». Rejoignons donc la ronde des enfants dans laquelle nous étions entrés avec « La Capucine » et cherchons même à l’élargir pour aller dans le sens de Paul Fort, le prince des poètes, avec sa « Ronde autour du Monde » :

    Si toutes les filles du monde voulaient s’donner la main,

    tout autour de la mer, elles pourraient faire une ronde.

    Si tous les gars du monde voulaient êtr’marins,

    ils f’raient avec leurs barques un joli pont sur l’onde.

    Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,

    Si tous les gens du monde voulaient s’donner la main.

    Continuons à apprendre à nos enfants et petits-enfants à chanter et à danser sur l’air et les paroles de ces chansons vieilles comme le monde selon l’expression consacrée et nous remplirons notre rôle. Nous aurons contribué à la mémoire d’un temps qui n’aura pas été perdu.

                                         Arlette CRAVEN


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    Tout le monde à Roanne connaît le Père Coton fondateur du premier collège de Roanne. Confesseur et conseiller d’Henri IV. Il est inhumé (près de son frère) dans la crypte de la Chapelle Michel du collège jésuite de Roanne (aujourd’hui « Lycée Jean Puy »), que son frère Jacques (Seigneur de Chenevoux) près de Nérondes (Loire) avait fait construire sur ses deniers personnel (1617).

    Au duc Charles III revient, sans conteste le mérite d’avoir, le premier, orienté la Lorraine vers la France en essayant de la soustraire à l’influence allemande. Il faillit pourtant commettre une redoutable erreur politique en prenant parti pour le Cardinal de Bourbon, le « Roi de Péronne », que la ligue – inventée par les princes Lorrains, les Guises – avait résolu de faire monter sur le trône de France.

    Quand Henri IV abjura la religion réformée, le 15 juillet 1593, Charles III, conseillé par Christophe de Bassompierre, comprit qu’il fallait se rapprocher de celui qui allait devenir roi de France.

    Le 2 août 1593, Lorrains et Français signent une trêve. En décembre 1595, un traité de paix définitif est signé à Folembray. Aux termes de cet accord, Toul et Verdun revenaient à la France et la place de Marsal restait à Charles III. Pour donner à la chose un aspect plus directement familial, en 1599, le duc de Bar, fils aîné de Charles III, épousait Catherine de Bourbon, sœur d’Henri IV. En 1603, quelques esprits avisés firent courir le bruit que Catherine de Bourbon était grosse des œuvres du duc de Bar. Bon frère, le Béarnais ne pouvait faire moins que d’aller embrasser sa sœur. Au vrai, le voyage du roi de France à Nancy fut conçu comme une véritable mission d’espionnage et les gentilshommes de la suite royale reçurent consigne d’être attentifs à tout.

    Pierre Consul écrit à ce propos : « Le Béarnais, on le sait aujourd’hui, avait depuis longtemps son attention tournée vers l’Est, et il n’était pas fâché de trouver une occasion de se rendre sur les frontières de l’Empire tout proche, pour y constater par lui-même l’état d’esprit des princes rhénans qui ne manqueraient pas de venir le saluer à Nancy » (P.Consul. « Carrefour de l’Histoire » n° 5, décembre 1957).

    Fin février, la troupe royale s’ébranle. Le 9 mars 1603, elle est à Verdun où se tient une grosse garnison française. Là Henri IV rencontre Charles III venu le saluer et régler avec lui le cérémonial d’accueil à Nancy.  Là, également, Henri IV rencontre celui qui allait devenir son confesseur, le fameux Père Coton directeur du Collège des Jésuites de Verdun.

    Le 11, le roi couche à Fresnes-en-Woëvre. Le 12, il est à Malatour. Le 14, il fait son entrée à Metz pour y séjourner près de deux semaines. Le duc de Bar et Catherine de Bourbon, duchesse d’Albret et de Bar, lui font visite.

    Avant de quitter Metz, le 1er avril, le Béarnais touche les écrouelles d’une énorme foule de mendiants qui, au sortir de la messe, se pressent devant la cathédrale. Sous les vivats, le roi se prête de bonne grâce à la « cérémonie ».

    Le 2 avril, la troupe royale, qui a procédé par Nomeny et Agincourt, fait son entrée dans Nancy par la porte des Moulins (l’actuelle porte Saint-Georges)

    A la cour ducale, on a mis les petits plats dans les grands. On a mis aussi la main à la poche : les échevins ont refusé d’ouvrir leur bourse pour régaler le roi de ces Français, le roi de ces ennemis d’hier.

    Le roi est logé au Palais Ducal. Pour le désennuyer, un grand ballet est dansé le 4 avril, un ballet qui, aux dire de François de Bassompierre, offrit « tout l’apparat et la magnificence imaginables ». Pour le désennuyer encore, on lui présenta quelques jeunes nancéennes. Il eut la surprise de retrouver Madeleine Catherine de Rohan – il l’avait courtisée en vain jadis – qu’il maria aussitôt avec le fils du duc de Deux-Ponts.

    Pendant son séjour à Nancy, Henri IV apprit également la mort de a reine Elizabeth d’Angleterre. Il écrivit à son représentant à Londres : « Si je ne me fusse trouvé obligé  à mon frère le duc de Lorraine et à ma sœur, de passer par cette ville pour les visiter, je m’en fusse allé en diligence droit à Paris pour être plus prêt à recevoir des nouvelle de la Reine ».

    Le 7 avril, après avoir entendu la messe à l’église des Cordeliers, le roi prit la route de Toul, s’arrêta à Bar-le-Duc et, dans la même journée, commença son voyage de retour sur Paris.

    Diplomatiquement, cette « tournée » en Lorraine eut un succès durable. Quand, moins d’un an plus tard, le 15 février 1604, Catherine de Bourbon mourut sans descendance et que, de ce fait, tous liens de parenté furent rompus, les relations entre la France et la Lorraine continuèrent d’être excellentes. Pour perpétuer le souvenir de ce voyage, Charles III fit peindre et envoyer à la cour de France, des portraits d’Henri IV et de Marie de Médicis, exécutés par Jean de Wayenbourg.

    Spirituellement, elle eut aussi des prolongements puisque le Père Coton resta auprès d’Henri IV jusqu’à son assassinat, en 1610. Le Père Coton n’en avait pourtant pas fini avec la Lorraine. Alors qu’il prêchait devant la Cour Ducale (Henri II avait succédé à Charles III mort en 1608), il assista à l’exorcisme d’Elizabeth de Ranfaing, plus connue sous le surnom «  d’énergumène de Nancy »

    Elizabeth de Ranfaing, hystériques consommée, eut à subir pendant des années, les « attentions » de l’officialité. Elle fut aussi une redoutable  semeuse de mort : dans ses crises d’hystérie, elle accusait de sorcellerie d’honnêtes  Nancéens qui n’en pouvaient, mais le juge lorrain, le redoutable Nicolas Rémy s’empressait de les expédier au bucher.

    Le Père Coton entretint, un temps, une lénifiante correspondance avec la malheureuse exaltée. A l’âge de la ménopause, Elizabeth de Ranfaing se calma tout à fait : le diable se fit ermite et l’énergumène se retira dans le couvent qu’elle avait créé à Nancy, théâtre de ses exploits.

    On se plaint à croire qu’une rencontre entre le Vert-Galant et l’énergumène de Nancy eût pu épargner beaucoup de sang et de souffrance.

                  Alain SANDERS (« La Revue Lorraine », octobre 1982).

     

    Pour en savoir plus sur « l’énergumène de Nancy « : http://www.lorraine-cafe.fr/showthread.php?t=6682

     

    charles III

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