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    Les fêtes populaires ou réjouissances publiques tiennent une grande place dans la vie de nos pères. Mieux que les documents du temps, elles évoquent les usages passés et font revivre devant nous ceux qui ont vécu dans les lieux que nous habitons. La manifestation de l’âme de nos ancêtres dans ces fêtes est d’autant plus vive et saillante qu’elle se montre sous ses aspects divers.

    En effet, en Forez, comme dans toute la France d’ailleurs, les fêtes populaires sont à la fois religieuses, profanes, commerciales et même, dans certaines localités, charitables.

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    C’est à l’Eglise que l’on doit l’établissement de la plupart de ces fêtes qui partout en Forez, se célèbrent le jour du patron du lieu. Aussi l’Eglise tient-elle le premier rang dans ces réjouissances. La population du village, conformément à ses prescriptions, cesse tout travail, assiste aux offices, vénère les reliques du titulaire de la paroisse et fait en son honneur une offrande en argent ou en nature. Pendant les offices, ni bruits, ni réjouissances au dehors ; les bateleurs se taisent, les tavernes sont fermées, les banques renversées. A Cornillon il est interdit «  à tous bateleurs et marchands de tenir banque et d’ouvrir pendant les offices, sous peine de 20 francs d’amende la première fois, du double et la prison la seconde. »

    Même défenses existent à Saint-Etienne, Saint-Chamond, Feurs, Chazelles, Saint-Galmier, etc.

    Les offices terminées le spectacle change ; partout éclate les hautbois, cors, violons et autres instruments des bateleurs, les cris des saltimbanques et les appels des marchands. Dans certaines localités l’audience est si grande, qu’il faut attribuer des emplacements spéciaux aux bateleurs et aux marchands. A Saint-Victor-sur-Loire, le jour de Sainte-Foi, et à Lay, le jour de Saint-Clair, les marchands sont seuls autorisés à pénétrer dans la ville, les jongleurs et les saltimbanques doivent s’installer au faubourg. A Saint-Etienne le 15 août, et à Saint-Genest-Lerpt, le 14 septembre, les banques se pressent si bien autour de l’église et dans les rues adjacentes, qu’un arrêté de police doit leur en interdire l’accès.

    Les populations du voisinage accourraient en foule à ces fêtes qui se prolongeaient fort en avant dans la nuit. Mais alors, éclataient entre les jeunes gens des localités limitrophes des rixes sanglantes et souvent préméditées, pour obéir à une absurde tradition.

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    C’est ainsi que, vers 1765, le procureur du Roi expose « que le 26 décembre ; jour de la fête du patron de la paroisse de Bussières, près de Néronde, les garçons de ces deux derniers endroits, au nombre de 70, s’attroupèrent avec armes, c’est-à-dire ceux de Bussières et ceux de Néronde, de 10, qui formèrent deux partis opposés ; ils se battirent si cruellement entre eux, qu’il y en eu beaucoup de blessés et qui coururent le risque de perdre la vie : que leur dispute s’éleva dans le cabaret du nommé Palais, où on rompit beaucoup de meubles et cassa beaucoup de pots et verres ; que les garçons des deux paroisses non contents d’avoir commis les excès les plus considérables les uns envers les autre, se sont donné rendez-vous pour se rassembler de nouveau à la première occasion et se livrer un combat sanglant. »

    Ce n’est pas là un fait isolé ; dans maints endroits, le sang coule le   jour des fêtes baladoires ; ces luttes sanglantes se renouvellent chaque année entre les jeunes gens du Chambon et de Firminy, de Chavanay et de Saint-Pierre-le-Bœuf, de Lay et de Saint-Symphorien, de Chazelles-sur-Lyon et de Saint-Galmier. Mais avec ces derniers, nous touchons à l’histoire contemporaine. Dans ces combats, la maréchaussée elle-même n’est pas épargnée, et il arrive que les deux partis se retournent contre elle. En 1789, les jeunes gens de Saint-Germain-Laval et de Souternon, qui avaient entre eux quelques démêlés, mécontents de l’intervention de la maréchaussée, se retournèrent contre les gardes et firent, pendant une nuit le siège d’une maison privée, où les soldats s’étaient réfugiés.

    D’autrefois, c’est au retour de la fête que les jeunes gens assaillent la police, à Roanne en 1732, un groupe, qui revient de la fête du Temple, blesse grièvement un cavalier ; en 1755, l’exempt de la Pacaudière et ses gardes, sont maltraités par des jeunes gens d’Ambierle qui reviennent de la fête de Saint-Rirand. Presque toujours, le lendemain de fête patronale est jour de foire ou de marché important. Cette foire, cependant revêt une physionomie particulière. A côté de marchands qui vantent leurs marchandises, les bateleurs, jonglent et saltimbanques débitent leur boniment ; les lutteurs provoquent l’effort à bras et sur les places publiques et dans les carrefours, des affiches suggestives promettent monts et merveilles aux visiteurs des baraques foraines. Lisez plutôt ce placard imprimé qui s’étalait, dans toutes les rue de Saint-Etienne, à la porte des Gauds et sur le pré de la foire : » Harlequin par ses saults gascades et boufouneries, fer voir aux mélancoliques qu’il sait le moyen de les faire rire à ventre déboutonné ».

    A côté d’Arlequin, des baraques de bonne mine, bien closes, offraient des attraits non moins agréables et plus utiles : la fortune en loteries ! Ici, l’invitation s’adressait plus particulièrement aux dames, et la baraque où se jouait ces destinées avait un nom agréable comme le bonheur, elle portait pour enseigne : « Au joli passe-temps des dames ».

     

     De 1767 à 1772 la mystérieuse baraque se promène un peu partout, à Saint-Etienne, Saint-Galmier, Roanne, etc., non sans avoir quelques démêlés avec la justice.

    Un peu partout étaient placés des diseuses de bonne aventure, des vendeurs de thériaque, de poudres subtiles, etc. Au XVIII° siècle, ces apothicaires de foire étaient si nombreux, qu’en 1773 les juges et procureurs de la sénéchaussée de Saint-Etienne durent prendre un arrêté défendant «  à tous bateleurs ou opérateurs, de battre la caisse, sonner la trompette, donner du cor pour vendre flacons et poudres, sans avoir certifié de l’efficacité des remèdes. » Pour délivrer ce certificat, on établit une grave commission, composé d’un médecin, le sieur Ricateau, et de deux apothicaires jurés de la ville. Vers la même époque, des mesures semblables étaient prises par les juges châtelains de Feurs, Lay et Charlieu.

     

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    Dans maints endroits, les pauvres du pays étaient associés à ces réjouissances publiques par de larges aumônes. A Saint-Sauveur, le jour de Saint Blaise, on distribuait, devant, devant l’autel du saint, du pain et des fèves. L’abbaye de Valbenoîte, à Saint-Etienne, donnait si largement qu’au dire de plusieurs témoins oculaires, «  les mendiants couvraient les routes qui y conduisaient » ; cette distribution avait lieu chaque jour, mais plus particulièrement de la Saint Michel à Pâques. Les jours de la Notre-Dame d’Août, les pauvres accourus «  à la donne » étaient si nombreux qu’il était impossible aux fidèles de pénétrer dans l’abbaye. Semblable distribution avait lieu le jour de la Saint-Martin devant la grande porte de plusieurs prieurés, notamment à la Fouillouse, où elle était annoncée, la veille, du haut du donjon, par le crieur public, et à Ambierle où l’on donnait aussi des vêtements de « couleur sombre ». Aux portes de Roanne, au lieu-dit le Temple, où il y avait jadis une chapelle dédiée à Saint-Jean, le jour de la fête du saint, le fermier devait recevoir à table ouverte tous les pauvres qui se présentaient ; un commandeur, le frère de Solages, ayant tenté de supprimer cette charge, fut condamné à l’amende et au maintien de cette  « coutume immémoriale ». La dépense, pourtant, devait être lourde, car la fête coïncidait avec une foire très fréquentée où les paysans du voisinage venaient se munir de faux et de volants ; ils les faisaient toucher à la statue du saint, persuadés qu’ils recevraient de là une trempe plus forte et un tranchant plus affilé, idée superstitieuse dont nous trouvons l’explication dans le genre de la mort de Saint Jean qui eut la tête tranchée sur l’ordre du roi Hérode.

     

                                                                                      J. PRAJOUX


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