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    Novembre s’ouvre par la  Toussaint et la Fête des Morts qui forment un tout inséparable.

    On sait que, dès l’ère chrétienne, la fête gauloise des morts était célébrée à la même date ; le I° novembre était la fête de morts chez les Celtes, les Germains et les Slaves. « Dans la nuit qui la précédait, Teutatès, le Mercure celtique, procédait au jugement des humains décédés dans l’année : les réprouvé étaient destinés à « l’abîme ténébreux » et les élus « au cercle du bonheur ». Tous les feux étaient éteints dans la Gaule cette nuit-là ; on ne les rallumait que le lendemain à la flamme des autels druidiques. »

    Nous allons voir que la curieuse coutume que nous signalons à Mâcon même, n'est peut-être pas sans pouvoir se réclamer de ce vieux rite gaulois.

    Le soir de la Toussaint, après les Vêpres, commençait jadis dans toutes les églises, une sonnerie mortuaire qui durait jusqu'au lendemain matin, c'est-à-dire jusqu'à la messe des Morts. Cette sonnerie n'a-t-elle pas un lien traditionnel avec la fameuse croyance celtique du jugement des morts pendant cette terrible nuit. Elle appelait tout l'univers au recueillement, à la prière et au respect du solennel instant où les âmes des parents, des amis, des voisins allaient comparaître devant la Divinité.

     C'étaient les jeunes gens de la commune qui agitaient les cloches cette nuit-là, après avoir préalablement quêté les victuailles et le vin qui leur permettaient de faire toute la nuit ripaille et de se relayer pour sonner.

    Aujourd'hui ces sonneries sont moins nombreuses, tout au plus durent-elles quelques quarts d'heure à la fin des Vêpres de la Toussaint et dans la soirée elles se manifestent par d'autres volées de quelques minutes.

    Jadis dans les villes, notamment à Mâcon, un réveille-matin allait de maison en maison crier au cours de la nuit :

    « Dites vos patenôtres et priez Dieu pour les trépassés », Georges de Feurs revendiquait le droit de présenter à la nomination des échevins de Mâcon un réveille-matin, chargé d'aller tous les lundis après minuit, de par la ville, crier : « Dites vos patenôtres et priez Dieu pour les Trépassés » et cela en vertu d'une fondation faite par ses ancêtres (Archives de Saône-et-Loire, série B, n° 1525) ; formule voisine de celle que Lucien Guillemaut nous dit être usitée à Louhans :

    « Réveillez-vous, gens qui dormez, Priez Dieu pour les trépassés ».

    A Louhans, les cloches cessaient de sonner à minuit ; on éteignait les cierges et les sonneurs se répandaient dans la ville, munis d'une lanterne et d'une sonnette qu'ils agitaient en prononçant la formulette ci-dessus.

    Dans cette nuit tragique, toute remplie encore des souvenirs mythologiques de l'ancienne Gaule et du jugement de Teutatès, il était jadis interdit en Bresse de sortir des maisons. Malheur à celui qui enfreignait cette défense.

    Des visions terrifiantes se présentaient à sa vue. Un vieillard des plus sérieux et des plus honorables m'a certifié avoir vu cette nuit-là passer une procession de nonnes et de fillettes vêtues de blanc, tenant les cordons d'une bannière et emportées vers l'inconnu par un vent de tempête. Il en était resté à demi-mort. Son fils, qui avait également enfreint l'interdiction de sortir la nuit de la Toussaint, fut victime d'une mésaventure analogue. Aussi restait-on chez soi, mangeant les traditionnelles châtaignes de la Toussaint, que tout le monde écalait (fait d'enlever l'enveloppe d'une châtaigne) ce jour-là, aussi bien dans la chaumière que dans le château, au son douloureux des cloches qui rappelaient au riche et au pauvre, au misérable et au puissant qu'ils étaient égaux devant la mort :

    « Et la garde qui veille aux barrières du Louvre  n’en défend pas les Rois » (Malherbe, Stances, Consolation à un père).

     

    Mais c'est à Mâcon et dans ses environs immédiats :  Hurigny, Flacé, qu'a encore lieu une des cérémonies les plus originales relatives au Culte des Morts. Voici la description qu'en donnait dans le Journal de Tournus, le 6 novembre 1909, Jean de Tournus : « Les Mâconnais ont pour la Toussaint, une curieuse coutume. La nuit venue, ils garnissent les tombes du cimetière Saint-Brice de cierges allumés et c'est jusqu'à une heure avancée de la nuit une procession ininterrompue de Mâconnais et de Mâconnaises qui défilent en longues théories recueillies devant ce spectacle lugubre et impressionnant ».

    Cette coutume qui est aujourd'hui excessivement rare, existe paraît-il encore dans quelques villages de la banlieue de Mâcon et en Franche-Comté. Quelques-uns prétendent qu'elle est d'origine espagnole. Le mysticisme du peuple ibérique se prête assez bien à ces démonstrations religieuses d'un caractère macabre et terrifiant. Il paraîtrait que cet usage était assez commun en France autrefois.

     

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    Un prêtre italien, du nom de Locatelli, qui voyagea en France en 1665, décrit une cérémonie analogue à laquelle il assista à Digoin, le jour de la Toussaint, dans l'église de cette ville, qui, suivant l'usage du temps, servait également de cimetière aux personnes riches et importantes : « Dix prêtres et quatre clercs, vêtus de surplis « tout déchirés, disaient les vêpres des morts. Après avoir « fini, ils chantèrent longtemps autour de chaque monument « funèbre, ou pour mieux dire de chaque fosse. Au milieu de « chaque tombe, était agenouillé son propriétaire, une chandelle allumée à la main, et quantité d'autres chandelles « éteintes placées devant lui(Suétone, Tiber, c. 98, signale des illuminations analogues sur les tombeaux. Le Concile d'Elvire, au IVe siècle, défend d'allumer des cierges dans les cimetières parce que ce rite est d'origine païenne). « Ces prêtres, marchant en ordre « et chantant, tournaient autour de chaque sépulture comme « s'ils faisaient un caracole et chacun d'eux recevait du « propriétaire une des chandelles éteintes. Après la cérémonie, « on alluma celles qui restaient et on les plaça sur les tombes ; « elles avaient je ne sais quoi de terrible et d'effrayant ; j'en « comptai une trentaine sur une seule sépulture. »
     
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    La cérémonie décrite par Locatelli paraît bien être de même origine que celle de Mâcon.

    Dans les cimetières des environs de cette ville, de même qu'à Digoin en 1665, le prêtre bénissait les sépultures illuminées, suivi des clercs, des enfants de chœur et de la procession des fidèles. La coutume que nous venons de décrire n'existait  qu'aux environs de Mâcon; elle était inconnue en Tournugeois et en Clunisois. Notons toutefois qu'elle a été importée à une date récente à Jalogny, près de Cluny, par un curé originaire de Charnay-lès-Mâcon.

                    Société des amis des arts et des sciences de Tournus (1925)


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